lundi 12 avril 2010

Camille et Dominique

En ce moment, Camille et Dominique s’aiment vraiment beaucoup.

Je dis « en ce moment » parce que, entre gens qui s’aiment, il y a des hauts et des bas.

Je dis Camille et Dominique parce qu’avec ces prénoms-là vous imaginez ce que vous voulez. Si ce sont un garçon et une fille lequel est le garçon et laquelle la fille. Mais ce sont peut-être deux garçons. Ou deux filles.

Et «s’aiment vraiment beaucoup », ça veut dire que rien que d’être ensemble ils sont heureux (ou elles : on va dire « ils » pour ne pas répéter ça chaque fois). Ils ont envie de rire pour un rien, de chahuter ensemble et plein de choses comme ça. Ils appellent ça être amoureux, ou pas. Ça dépend de beaucoup de choses comme leur âge, leur sexe, leur passé commun, ou pas…

Le problème c’est que ça les rend terriblement dépendants l’un de l’autre alors que, quand même, ils sont deux, et il ne se passe pas toujours la même chose en même temps dans leur tête, ou dans le reste de leur corps. Alors, si à un moment, pour une raison quelconque, Camille n’a pas l’air heureux, Dominique ne se sent plus heureux non plus. Et chacun remarque que l’autre a l’air maussade. Il ne devrait pas être maussade puisqu’ils sont ensemble. Dominique ne se dit pas vraiment ça, mais c’est ce qu’il (ou elle) ressent. Il (ou elle) a l’impression que Camille ne l’aime plus. Pourquoi ? Ce n’est pas juste ! Il (ou elle) ne lui a pourtant rien fait ! Alors Dominique finit par dire :

- Pourquoi tu me fais la gueule ?

- Je te fais pas la gueule !

- Ah non ? Tu t’es pas vu(e) !

« Qu’est-ce qui lui prend ? » se dit Camille, qui n’avait pas du tout l’impression de « faire la gueule ». « Il (ou elle) tourne pas rond ? Et puis quoi, j’ai pas le droit d’avoir la gueule que je peux ? J’ai pas de compte à lui rendre quand même ! »

Parce que se sentir dépendant de quelqu’un, ce n’est pas complètement agréable. On n’a pas envie de le reconnaître. On a envie de se dire le contraire. Et de se le prouver. Et plus on se sent dépendant en fait, plus c’est énervant et plus on a envie de se prouver qu’on ne l’est pas. Et de le lui prouver aussi « parce qu’il ne faudrait tout de même pas qu’il (ou elle) s’imagine que je lui appartiens ! » Alors Camille dit quelque chose comme :

- Ça va ! T’as vu la tienne ? Non mais t’es chiant(e) !

- Moi ? Mais je t’ai rien fait, moi ! Tu me fais la gueule et c’est moi qui suis chiant(e) ! Ça, c’est la meilleure !

Parce que, évidemment, arrivé à ce point, Camille pense à peu près la même chose que Dominique. Et tous les deux se sentent très malheureux. Et plus ils sont malheureux, plus ils s’en veulent. L’un à l’autre. Et aussi chacun à soi-même. Ça énerve. Alors on dit n’importe quoi pourvu que ça fasse mal ! Du genre :

- Oui t’es chiant(e) ! D’ailleurs tout le monde le sait ! Faut toujours que tu fasses chier tout le monde !

Après des choses aussi énormes qu’est-ce qu’il peut bien se passer ? Là c’est selon. Les garçons et les filles ne régissent pas forcément de la même façon. Ça dépend aussi un peu de leur âge, mais au fond pas tellement. On va être malheureux chacun dans son coin. Ou on se tape dessus. Ou on pleure, et ça c’est terriblement énervant pour celui (ou celle) qui ne pleure pas et qui se sent coupable. Parce que c’est forcément de la faute de l’autre si on se sent coupable de lui avoir fait mal. C’est vrai aussi si on pleure tous les deux.

Et après ?

À vous de voir…

En tout cas moi qui ai soixante douze ans passés et qui aime la même femme depuis beaucoup plus de cinquante ans, j’ai l’impression que ça se passe toujours à peu près comme ça. Même quand ça dure depuis beaucoup plus de cinquante ans et qu’on le sait !

1 commentaire:

Unknown a dit…

Pas cool cette histoire