lundi 7 juillet 2008

Conte d'effets (2)

Blanches, ce n'est pas vraiment le mot. C'est quand même vrai que l'année dernière, à la fin des vacances, on voyait bien la différence, mais ça, Kévin s'en moque bien. Pour l’instant, ce qui compte c’est de rejoindre Morgane au plus vite.

- Je peux, Maman ?

- Bien sûr mon chéri.

- Attends ! dit Papa. Tu as vu, elle est toute nue, elle. Ça va peut-être l’étonner que tu gardes ton maillot !

Kévin réfléchit très vite : dans son rêve elle disait qu’on fait comme on veut, mais c’était dans son rêve, Papa a peut-être raison. Et surtout quand on commence à discuter avec lui, si on n’est pas d’accord ça peut être long, alors autant faire tout de suite ce qu’il veut, ça gagnera du temps. C’est vrai que les autres enfants qui jouent dans l’eau sont presque tous tout nus.

Kévin ôte son maillot sans rien dire et va s’élancer mais cette fois c’est Maman qui l’arrête.

- Une minute ! La crème sur les fesses, sinon c’est rouge qu’elles vont être !

Pour ce qui est de gagner du temps, c’est raté. Et puis il se sent ridicule comme ça, en train de se faire tartiner les fesses par sa mère ! Heureusement que Morgane ne regarde pas de ce côté ! Pourvu qu’elle ne se retourne pas !

- Allez, va ! Mais n’oublie pas de mouiller tes cheveux si tu t’attardes !

- Oui Maman !

Il retourne vers la fillette qui s’est assise dans le sable devant son château, le pas un peu hésitant, soudain intimidé : comment reprendre la conversation après tout ce temps ? Il va s’approcher d’elle, mais comme sans le faire exprès, sans trop la regarder, comme s’il voulait simplement aller se baigner. Et si elle n’a pas l’air de vouloir lui parler, il continuera sans rien dire.

Mais alors qu’il est encore derrière elle, qu’elle ne peut pas le voir, elle se lève en se tournant vers lui.

- Tu t’appelles Kévin ?

- Oui. Tu as entendu ma mère m’appeler ?

- Non. Je sais pas ... Peut-être.

- Peut-être pas ! Moi aussi je savais ton nom. Et je connaissais ton château, et je savais que tu venais en vacances ici et ... Pourquoi tu m’as envoyé un baiser tout à l’heure, et déjà hier soir sur l’autoroute ?

- Ah tu t’en souviens ? Je ... Je sais pas pourquoi. C’est drôle ... Tu as quel âge ?

- Neuf et demi.

- Comme moi. C’était quand, ton anniversaire ?

- Le douze janvier, pourquoi ?

- Moi aussi ! On est jumeaux, ça c'est drôle ! Alors tu as vu mon château en rêve ? Et c'était quoi, ton rêve ?

Elle a l’air très excitée tout d’un coup. Elle l’a pris par la main et elle l’a entraîné dans les premières petites vagues. Ça se bouscule dans la tête de Kévin. L’ogre qui cassait la porte, le château dans le clair de lune, Morgane qui se couchait près de lui... Il se sent rougir en y pensant : ça il ne va pas le raconter. Il faut seulement résumer. Il s’assoit dans l’eau et elle l’imite, le visage tourné vers lui, attendant.

- Ben ... On était dans ton château parce que la voiture était en panne, et ton père était un ogre, et c’est toi qui me le disais pour m’aider à lui échapper ...

- Un ogre ! Mon père était un ogre ?

Elle s’est relevée d’un coup. Elle respire très vite.

- Attends, viens !

Elle le tire par la main et l’entraîne devant le château de sable, toujours aussi beau, sur la plage.

- Tu veux le visiter, mon château ?

On ne visite pas un château de sable ! Et pourtant, sans réfléchir, il a répondu :

- Oui.

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