mardi 16 septembre 2008

Histoire d'un petit lapin

Il était une fois un petit lapin nommé Roméo, qui avait creusé son terrier en haut d'une colline. Il aimait gambader dans l'herbe, à la belle saison, et s'arrêter pour grignoter ses fleurs préférées. Il apercevait parfois, au pied de sa colline, des enfants qui jouaient au bord de l'étang. Il aurait bien eu envie de les rejoindre pour jouer avec eux, mais, comme tous les petits lapins, il était bien trop peureux pour oser s'approcher d'eux. Alors il se contentait de les regarder de loin, et cela lui suffisait pour être très heureux.

Mais un jour de septembre, tandis qu'il se promenait comme d'habitude, voilà que des chasseurs arrivent soudain avec leurs chiens. Impossible d'aller se cacher dans son terrier, car les chiens sont justement en train d'aboyer devant l'entrée qu'ils ont découverte. Complètement affolé, Roméo s'enfuit droit devant lui. Poursuivi par les chiens, il grimpe tout en haut de la colline, puis il dévale de l'autre côté, par le versant où il ne va jamais se promener parce qu'il n'y a pas de soleil.


En bas s'étend une grande prairie. Le petit lapin s'y précipite et la traverse sans s'arrêter, jusqu'au talus qui se dresse à l'autre bout. Quand il y arrive, tout essoufflé, il se rend compte tout d'un coup que les aboiements des chiens ne se rapprochent plus. Ils sont restés de l'autre côté de la prairie, et ils tournent en rond comme des fous en flairant le sol. C'est seulement à ce moment que Roméo s'aperçoit que ses pattes sont toutes mouillées. La prairie est inondée, c'est un véritable marécage. Et c'est grâce à cette eau que les chiens ont perdu la piste. Maintenant, il faut vite trouver une cachette pour ne pas être repéré.


Sous un buisson, il découvre un terrier. Il est plus grand que le sien. À qui peut-il bien être ? En tout cas, Roméo n'y renifle pas l'odeur de l'un de ces mangeurs de viande, comme la belette, le putois ou le blaireau, que les petits lapins ont appris à éviter absolument. Prudemment, il entreprend de l'explorer. Il n'y a personne. Mais, comme c'est étrange ! Au fond du terrier, il y a de l'eau !


La course et les émotions ont épuisé Roméo, et il s'endort. Mais les petits lapins ne dorment jamais que d'une oreille ! C'est un bruit venant de l'eau qui le réveille. Et voilà qu'en sort un animal aussi gros qu'un blaireau, mais avec une tête aplatie beaucoup plus sympathique.


- Qu'est-ce que tu fais là ? dit l'animal. C'est chez moi, ici. Mais non, n'aie pas peur, je ne vais pas te manger, les loutres ne mangent que du poisson !


Roméo est rassuré. Il explique à la loutre comment il est arrivé là et s'excuse d'être entré chez elle sans permission. Elle lui répond :


- Ça va, il y a de la place, tu peux rester. Au moins le temps de te creuser un autre logement. Ici c'est assez tranquille : pas beaucoup de terre sèche, beaucoup d'eau autour avec la rivière et le marécage, les chasseurs et leurs chiens n'y viennent guère. Par exemple, si tu veux te dégourdir les pattes, il va falloir traverser.


- J'ai déjà traversé pour arriver ici. Ça va, il n'y a pas trop d'eau. Merci de votre hospitalité, Madame la loutre.


- Appelle-moi Ondine et ne me vouvoie pas. Quelquefois il y en a plus que ça. Tu sais nager, je suppose.


- Euh… Je n'ai jamais essayé, madame euh pardon, Ondine.


- Je t'apprendrai. Ce n'est pas difficile, moi j'ai toujours su.



C'est ainsi que Roméo et Ondine sont devenus les meilleurs amis du monde. Roméo n'a pas tardé à creuser son propre terrier, à côté de celui d'Ondine, mais bien au sec, car il n'aime pas beaucoup l'eau. Depuis le bord, il prenait plaisir à regarder son amie nager, plonger, attraper des poissons. Mais elle n'a pas réussi à lui apprendre.


- Ta fourrure te protège, lui a-t-il dit, l'eau glisse dessus mais regarde, la mienne se mouille, et j'ai froid.


- C'est vrai, a reconnu Ondine. Tu n'es pas fait pour ça. Tant pis. Je t'aime bien quand même. D'ailleurs, tu ne sais pas nager, mais tu cours vite et tu sautes joliment. Chacun son truc.



Mais un jour de printemps, après de grosses pluies, l'eau de la rivière s'est mise à sentir très mauvais et tous les poissons sont morts. Pour la loutre, c'était une catastrophe. Heureusement, le petit lapin s'est souvenu de l'étang, de l'autre côté de la colline, au bord duquel il regardait des enfants jouer l'été précédent. Ondine l'a pris sur son dos pour lui faire traverser le marécage, car l'eau était montée plus haut que d'ordinaire. Puis Roméo lui a montré le chemin à travers la colline, et ils sont arrivés au bord de l'étang.


Ici, l'eau ne sentait pas mauvais. Il y avait sûrement des poissons dedans. Sur la berge, au-delà des roseaux, il y avait une grande prairie pleine d'herbes odorantes et de fleurs, et la colline n'était pas loin. Nos deux amis se sont remis au travail pour se faire de nouveaux terriers, et la vie a repris pour eux comme au bord de la rivière.



De temps en temps, un petit garçon un peu rond et une petite fille toute fine venaient jouer dans la prairie. Roméo les reconnaissait et il osait même s'approcher un peu mais, toujours aussi peureux, il restait caché parmi les roseaux pour pouvoir les regarder à l'aise sans s'éloigner de son amie Ondine. Elle les regardait aussi et les trouvait bien mignons, d'autant plus qu'ils ne la dérangeaient pas. Car l'eau était encore bien froide et les enfants ne s'en approchaient pas. Ils jouaient dans la prairie. La petite fille adorait courir après les papillons, et elle demandait au petit garçon de l'aider à les attraper. Mais le petit garçon n'aimait pas beaucoup courir. Il s'asseyait dans l'herbe et regardait travailler les fourmis.


Et puis le printemps a passé, le soleil est devenu plus chaud et l'eau moins froide. Un jour, le petit garçon a ôté ses chaussures et son jean, il a fait quelques pas dans l'étang et, en jetant son tee-shirt dans l'herbe, il a dit à la petite fille :


- Elle est bonne ! Viens te baigner !


La petite fille, à son tour, a ôté ses chaussures, mais pas sa robe. Elle a fait juste un pas dans l'eau et elle a déclaré :


- Oh non ! Elle est froide ! Vas-y si tu veux, mais moi je reste au bord.


Alors le petit garçon s'est mis à l'éclabousser en criant :


- Hou ! La froussarde ! Hou ! La froussarde !


- Arrête ! Tu mouilles ma robe ! a répondu la petite fille en riant et en s'enfuyant dans les roseaux.


Et dans les roseaux, il y avait … Roméo !


Il se croyait bien à l'abri, et voilà que la petite fille lui fonçait dessus. Les tiges des roseaux étaient trop serrées, il n'y avait plus moyen de s'enfuir ! Alors Roméo s'est aplati tant qu'il a pu, il a fermé les yeux, couché les oreilles, et il a attendu la catastrophe en tremblant.


Il a entendu un "oh !", puis des roseaux qu'on écartait avec précaution … puis il a senti une petite main qui le caressait doucement. Il avait encore bien peur, mais c'était quand même agréable.


Puis la petite fille l'a pris dans ses bras et, en continuant à le caresser, elle a appelé :


- Quentin ! Viens voir !


Mais au même moment, Quentin appelait :


- Lilou ! Viens voir !


Et quand Roméo a osé ouvrir les yeux, il a vu que Lilou avait presque rejoint son frère. Pas tout à fait quand même, parce que lui, il était dans l'eau jusqu'à la taille alors qu'elle n'en avait que jusqu'aux genoux. Et tous les deux étaient en train de regarder …Ondine, qui faisait des cabrioles dans l'eau tout près d'eux.


Alors Quentin est entré tout à fait dans l'eau en disant :


- Te sauve pas, jolie loutre ! Tu veux bien que je joue avec toi ?


Ondine voulait bien. Et avec le petit garçon qui aimait bien nager, elle a commencé une merveilleuse partie de cache-cache.


La petite fille les regardait, ravie. Elle en oubliait presque de caresser Roméo. Finalement, elle l'a posé par terre doucement en lui disant :


- Je crois que je vais me baigner un peu : tu veux bien m'attendre ?


Et Roméo l'a attendue. Lui aussi, ça l'amusait de voir Ondine et Quentin jouer ensemble.


Lilou a retiré sa robe, elle l'a posée bien soigneusement dans l'herbe et, pas à pas, avec beaucoup de précautions, elle s'est avancée dans l'eau.


Mais en marchant dans l'eau, elle ne pouvait pas aller bien loin. Alors Ondine est venue nager près d'elle, comme si elle voulait lui apprendre. Et Quentin s'est approché aussi et il lui a dit :


- Regarde ! C'est facile ! Tu n'as qu'à faire la grenouille ! Si tu penses que tu sais tu y arriveras. Je t'assure ! Moi c'est comme ça que j'ai appris.


Lilou avait tellement envie de jouer avec Ondine qu'elle a osé essayer quelques secondes de faire la grenouille …et elle n'a pas coulé. Alors, toute heureuse, elle a recommencé. Et la loutre est venue encore plus près d'elle pour l'encourager.


Pendant ce temps, Roméo était un peu jaloux qu'on ne s'occupe plus de lui. Alors il s'est mis à sauter et à faire des cabrioles dans l'herbe. Quentin l'a vu et il a dit :


- Regarde ton lapin ! Je crois qu'il veut jouer lui aussi !


Et il est sorti de l'eau pour mieux le regarder. Alors, Roméo a attrapé le tee-shirt de Quentin entre ses dents, et il s'est sauvé quelques mètres plus loin.


- Hé ! Mon tee-shirt ! a crié Quentin.


Quentin a couru après Roméo, et Roméo s'est sauvé plus loin et ainsi de suite. Au bout d'un moment, pendant que Lilou nageait de mieux en mieux avec Ondine, Quentin courait de mieux en mieux tout autour de la prairie, avec Roméo. Puis ils se sont assis dans l'herbe, tout essoufflés. Et Roméo et Ondine sont restés auprès d'eux jusqu'à ce qu'ils se rhabillent pour rentrer chez eux


Le lendemain et les autres jours ils se sont retrouvés au même endroit et ils ont passé tout l'été à s'amuser ensemble. À la fin de l'été, Lilou nageait aussi bien que Quentin, et Quentin courait aussi vite que Lilou.


Au bout de quelques jours, la maman et le papa des enfants sont venus les regarder jouer. Le papa a eu l'air de bien réfléchir. Et puis, le lendemain, il est revenu avec des piquets et des planches, et il s'est mis à construire un plongeoir. Ça commençait dans la prairie, avec une petite cabane, et ça finissait dans l'eau, comme le terrier d'Ondine.


Lilou et Quentin ont expliqué à leurs amis Ondine et Roméo que c'était pour eux, pour qu'ils puissent habiter là, à l'abri des chasseurs. Alors ils ont refait leurs terriers sous la cabane et le plongeoir.


Quand l'été a été fini, les enfants ne se sont plus baignés, mais ils ont continué à venir voir leurs amis et à courir avec eux dans la prairie quand il ne pleuvait pas.

Et on n'a plus jamais entendu parler des chasseurs.

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Surpris ? Cette petite histoire est la trace écrite d'une création orale collective : ma collaboration avec une classe de CP. C'est pourquoi l'écriture s'efforce de ne pas s'éloigner du conte oral pour enfants de six ans. J'ai eu envie de vous la proposer en attendant un feuilleton beaucoup plus consistant.

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