
C’est moi, Sandy. Celle qui vous a raconté son aventure du Trésor de La Motte. En un an, depuis que je me suis décidée à essayer le naturisme, il s'est passé bien des choses et j'ai envie de vous les raconter.
Vous vous rappelez ? Je résume. Avec mes cousins, quand on était petits on se baignait tout nus dans la piscine de Mamie à La Motte. Puis, l'année des sept ans d'Alex, l'aîné, qui a un an de plus que moi, ma tante lui avait fait mettre un maillot. Du coup on m'en avait mis un aussi et on ne s'était plus baignés tout nus. Sauf le soir tard, quelquefois. Mais quand mon amie Manon nous avait rejoints chez Mamie, nos parents nous avaient dit de ne pas faire ça devant elle, de peur de la choquer.
Et ça, c'était vraiment drôle parce que, en fait, le soir de notre aventure dans le souterrain, en prenant sa douche avec moi pour économiser l'eau chaude, elle m'avait dit qu'elle était naturiste et elle m'avait proposé de venir avec elle et sa mère pour des soirées naturistes dans une piscine, en ville. Mes parents me disaient de faire comme je voudrais mais j'hésitais.
En attendant, évidemment on aurait pu recommencer à se baigner tout nus à la nuit tombée, puisque ça ne risquait pas de la choquer. Mais les cousins, surtout Alex, avec moi ils n'étaient pas gênés parce qu'on avait toujours fait ça, mais devant elle ils n'auraient pas été d'accord. Et de toutes façons, fin août, il faisait trop frais le soir pour se baigner. Alors elle et moi, pendant les quelques jours qui nous restaient on avait pris notre douche ensemble, mais pour la piscine, c'était toujours en maillot.
Sauf le dernier jour des vacances. Les garçons étaient déjà partis, il ne restait plus que nous deux chez Mamie, et on avait encore deux heures avant que mes parents reviennent nous chercher. On a décidé de profiter d'une belle éclaircie pour se baigner une dernière fois.
- Et vos maillots qui sont déjà dans vos valises ! a dit Mamie. Vous allez tout chambouler !
À ce moment-là j'ai eu une idée qui m'a fait rire. J'ai dit :
- Et si on les mettait pas ? On peut, Mamie ?
Manon, ce n'était pas la peine de lui demander si elle était d'accord et Mamie a répondu :
- Après tout, avec les haies il n'y a que moi qui vous verrai et deux petites filles toutes nues, ce n'est pas ça qui peut gêner une Mamie ! … Faites comme vous voudrez.
Nager toute nue, je savais déjà que c'était agréable. Mais courir autour de la piscine toute nue en plein soleil pour plonger, ça, depuis mes six ans je ne l'avais plus jamais fait ; et rester toute nue ensuite avec mon amie pour jouer au badminton, ça, jamais. Et je trouvais ça super. Je voyais Manon qui avait tellement l'air heureuse, et tellement jolie, toute brune de la tête aux pieds. Et moi aussi je me sentais bien, à l'aise. Encore plus que je n'aurais cru. Comment dire ça ? Comme si on était plus libres que d'habitude. Comme si ce que je n'avais pas sur moi pour une fois, c'était beaucoup plus grand qu'une petite culotte de maillot. Parce que, en fait, le haut on ne l'avait jamais mis. Pour quoi faire ? De la poitrine, on n'en avait pas plus que les garçons, alors… Et la culotte du mien, elle était toute petite : juste deux triangles avec des nœuds sur les côtés. Mais ça avait laissé tout blanc ce qui était dessous d'habitude. En voyant Manon si jolie, avec son bronzage sans marque, ça m'a gênée tout d'un coup. Je lui ai dit :
- Ça fait pas trop vilain mon petit cul blanc ?
Elle a répondu :
-Tu es bête ! Tu sais ceux qui arrivent dans les centres de vacances naturistes, il y en a beaucoup qui ont commencé à bronzer sur des plages où ils étaient bien obligés de mettre un maillot. On fait pas attention à ça !
Après ça je savais qu'avec Manon, jouer toute nue au soleil aussi c'était super agréable. Mais de là à faire ça en public, avec des tas d'adultes inconnus eux aussi tout nus, là, j'avais un peu de mal à imaginer.
Après les vacances, elle ne m'en a plus parlé. Elle m'a expliqué pourquoi plus tard : je vous raconterai. C'est seulement après avoir lu mon récit de notre aventure qu'elle m'a dit :
- Mardi prochain on va à la piscine, Maman et moi. Si tu veux … Tu pourrais dormir chez nous et rester la journée de mercredi …
Elle m'avait dit ça avec un air timide qu'elle n'avait jamais avec moi. J'ai bien senti que ça lui ferait de la peine que je dise non. Alors j'ai dit :
- Je vais demander à mes parents. Je pense qu'ils seront d'accord.
Et elle m'a sauté au cou.
- J'en étais sûre ! Je t'adore !
Donc ce mardi soir en sortant de l'école elle m'a accompagnée chez moi prendre mes affaires de nuit et nous sommes allées chez elle, à pied : ce n'est pas loin. Maman m'a embrassée comme d'habitude sans rien dire de spécial. Exactement comme les autres mardis soirs où Manon m'avait invitée. J'avais juste en plus une serviette pour la piscine et … pas de maillot avec.
C'est seulement une fois chez elle que sa mère m'a dit :
- Ça va ? Tu es décidée ? Tu sais que tu as encore le droit de changer d'avis si tu trouves que c'est trop difficile. Personne ne t'en voudra.
Et Manon a dit :
- Pourquoi difficile ? C'est tout simple : dans les vestiaires, il n'y a qu'à se déshabiller comme d'habitude quand on va à la piscine et qu'on n'a pas mis le maillot à l'avance et puis … ne pas en mettre et faire comme si on en avait un.
J'ai dit :
- Oui, en fait on va aller se baigner toutes nues toutes les deux, ça on l'a déjà fait, c'est pas ça qui est difficile, mais c'est tous ces adultes qu'il va y avoir. Bon, j'ai déjà vu mes parents tout nus. Ils restent pas comme ça à la maison mais ils dorment tout nus et quand ils se lèvent pour aller à la salle de bain ou aux toilettes ça les gêne pas si je les vois. Mais déjà, ils sont jeunes. Dans le reportage qu'on avait vu à la télé, il y avait plein de vieux. Et je les connais pas. Je sais pas comment ils vont me regarder. Et toi, comment tu fais pour pas les regarder ?
Elle m'a répondu :
- Écoute, c'est pas si compliqué ! Quand tu vois tes parents tout nus, tu les regardes ou pas ?
J'ai réfléchi :
- Ben …oui… Normalement … Comme d'habitude, comme s'ils étaient pas tout nus !
- Tu vois ! Hé ben c'est pareil. Eux ils te regarderont, bien sûr, et toi tu les regarderas, mais pareil que d'habitude quand tu vas à la piscine. Pareil que si on avait tous un maillot. Avec ou sans maillot, c'est pareil.
Alors sa maman a dit :
- Tu sais, ma chérie, ça te paraît tout simple à toi parce que tu as l'habitude : des gens tout nus, tu en vois depuis que tu es toute petite, mais pour ton amie ce n'est pas pareil. Moi, la première fois que ton père m'a amenée sur une plage naturiste, je n'avais jamais vu un homme nu … enfin à part lui. Et je me souviens que quand même, tous ces zizis, ce n'est pas que je les regardais, mais en quelque sorte je les voyais plus que le reste. C'est normal, vous savez. Ce qu'on n'est pas habitué à voir, on le voit plus que le reste, même sans vouloir le regarder. C'est pour ça qu'on est toujours un peu gêné quand on rencontre par exemple un infirme, ou simplement quelqu'un qui a une verrue sur le nez. Je ne crois pas que ceux qui disent le contraire soient vraiment honnêtes : ils pensent que ce n'est pas bien d'être gênés alors ils prétendent qu'ils ne le sont pas, mais j'ai du mal à les croire. Parce que du coup, si on regarde on a peur de regarder trop, comme une bête curieuse, et si on ne regarde pas, on sent bien que ça se voit qu'on fait exprès.
Et les gens, Sandy, ils vont peut-être te regarder plus que Manon, parce que Manon ils ont l'habitude de la voir et que toi tu seras la petite nouvelle. Surtout que des enfants, il n'y en a pas tellement. Mais sur ce point-là Manon a raison : avec ou sans maillot c'est pareil.
Alors j'ai pris une grande respiration et j'ai dit :
- Merci, Claude. C'est gentil de m'avoir expliqué ça : je crois que ça va m'aider. On y va.
La mère de Manon, au début je l'appelais "Madame", mais quand on a commencé à aller souvent l'une chez l'autre, Manon et moi, elle m'a dit de l'appeler Claude. Et Manon appelle mes parents par leurs prénoms. Et même Mamie.
- Hé Léo ! Tu es là toi aussi ?
Léo, il était arrivé dans notre classe à la rentrée parce que sa mère venait d'être nommée dans notre école, pour remplacer la maîtresse de CE1 qui était partie à la retraite. Mais il jouait toujours avec les garçons et on ne se parlait pas beaucoup. Il a dit :
- Ça alors c'est une surprise ! Et toi aussi Sandy ? Vous vous rendez compte ? Ça fait trois dans la classe. Jamais vu ça ! Vous venez souvent ?
- Moi oui, c'est la troisième fois cette année, mais je t'avais jamais vu, a répondu Manon.
- Non, moi, ici c'est la première fois : la piscine, ma mère était pas au courant. Mais en vacances on va toujours dans des centres naturistes. Par contre toi, Sandy, c'est vraiment la première fois, non ?
- Ça se voit tant que ça ? C'est vrai, la marque du maillot !
- J'avais pas remarqué. Non, ça, tu es pas la seule, mais on dirait que tu te caches un peu derrière Manon et que tu sais pas où regarder. Allez, on plonge !
- Forcément, a-t-elle ajouté : deux profs du même âge on dirait. Et … ton père est pas là ?
- Non, ils sont divorcés.
- Et toutes les deux divorcées en plus ! Alors tu penses ! T'es tout seul comme enfant ?
- Non, j'ai une sœur qui a douze ans. Mais elle avait pas envie de venir. Depuis qu'elle a des poils à sa foufoune elle fait des manières. Enfin … pas tout le temps : à Sérignan cet été elle se baignait encore bien toute nue mais sinon, elle reste pas comme avant. D'ailleurs elle était pas la seule. Et regarde : ici, des ados, y en a pas ! J'espère que je vais pas devenir aussi bête quand j'aurai des poils !
- Si ça te gêne, t'auras qu'à les raser ! a répondu Manon en riant. Regarde, il y en a plein qui les rasent !
Du coup j'ai osé regarder les gens qui étaient debout autour de la piscine. C'est vrai qu'il y en avait beaucoup, des hommes et des femmes, qui n'avaient pas de poils. Et j'ai remarqué aussi que, quand on dit qu'on est tous pareils, enfin, tous les zizis et toutes les foufounes … ce n'est pas tout à fait vrai. Et c'est à ce moment-là que je me suis rendu compte que je pouvais regarder ça comme le reste. Tout naturellement.
1 commentaire:
Pas assez de commentaires ?
Bon, je me dévoue, alors.
Bravo pour l'honnêteté du texte !
Bravo pour la clarté du récit.
Bravo pour l'observation.
Bravo enfin pour l'imagination.
Cette histoire est simple & sonne juste, comme les autres, d'ailleurs.
Bref, j'aime.
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