lundi 22 juin 2009

Un orage d'avril (fin)

- Nos amis viennent de m’expliquer quelque chose, dit Mamie à Fleur lorsqu’ils regagnent le chalet. Et je préfère t’en parler en leur présence pour qu’il n’y ait pas de malentendu. Tu te souviens des gens qui étaient venus se baigner de l’autre côté du lac l’été dernier ?

- Euh … oui, dit Fleur. Tu veux dire ceux qui étaient tout nus ?

- C’est ça. Eh bien nos amis viennent de me dire qu’eux aussi ils se baignent tout nus.

- Ah bon ! s’exclame Fleur en jouant parfaitement la surprise.

- Et tu te souviens de ce que je t’avais dit à leur propos ?

- Euh … que si ça leur plaît ils font de mal à personne.

- Bon ! Et toi, qu’est-ce que tu en penses ?

- Ben … Pareil. Et moi, j’aime bien Jenifer, et Bruno, et Léa, et Quentin, alors je crois que s’ils font ça c’est que ça doit être bien.

- Et tu le ferais avec eux ?

- Je sais pas. Avec Quentin, on s’est bien amusés sous la douche, et ça me dérangeait pas qu’on soit tout nus, alors dans le lac, je crois que ce serait pareil. Avec ses parents … Je sais pas mais …pourquoi pas ?

Voilà qu’elle parle comme Quentin maintenant.

- Bien, conclut Mamie en souriant et en se retournant vers Jenifer et Bruno. Nous voilà au clair maintenant. Donc, si vous revenez nous voir quand il fera un peu plus chaud et si l’envie vous prend de vous baigner nus dans notre petit lac, je ne dis pas que je vous imiterai : je n’ai jamais fait ça et je me trouve un peu trop vieille, mais vous ferez comme vous voudrez … et Fleur aussi.

- Je ne voudrais pas avoir l’air de chercher à vous convertir, dit Bruno, mais vous n’êtes pas vieille du tout, et du reste il y a beaucoup de gens bien plus âgés parmi les naturistes. Ceci dit, c’est comme vous le sentez. Merci en tout cas pour votre ouverture d’esprit. Tout le monde n’est pas comme vous malheureusement et nous avions un peu peur que vous hésitiez à nous confier votre petite Fleur. Mais ça n’aurait pas été honnête de notre part de ne rien vous dire.

- En fait, précise Jenifer, si nous ne vous avons pas avertie plus tôt, c’est que nous pensions qu’elle n’aurait aucune raison de s’en apercevoir. Vous savez, plusieurs copains de Quentin viennent à la maison et n’en savent rien. Pourquoi leur en parler au risque de les choquer puisque ça ne les concerne pas ? Seulement il a proposé à Fleur de prendre leur douche ensemble et comme, avec votre permission, elle a accepté, il mourait d’envie de lui en dire davantage.

- C’est parce que je l’aime bien, ajoute Quentin. Avec elle je suis comme avec Flora, alors j’ai envie qu’on n’ait pas de secrets.

- Que vous ne vous cachiez rien, en quelque sorte, plaisante Mamie. Il est clair qu’elle aussi t’aime bien et franchement, je trouve que c’est plutôt bien à votre âge que les garçons ne restent pas forcément entre garçons et les filles entre filles. Et que si c’est à cause de leur sexe qu’on les sépare, c’est un peu bête. Bien, donc, c’est dit : vous revenez quand vous voulez, Fleur sera ravie et moi aussi.

Fleur manifeste son approbation en sautant au cou de sa grand-mère.

- Il est peut-être un peu tôt pour faire des projets, reprend Jenifer, mais nous serions aussi ravis de vous recevoir. On se téléphone ?

Il y a eu des coups de téléphone, suivis de journées passées ensemble, chez les uns ou les autres. Les parents s’entendaient décidément très bien, les enfants aussi et Chien faisait des infidélités à Fleur pour jouer avec Léa, pendant qu’elle s’amusait dehors avec Quentin. Ils se roulaient dans l’herbe ensemble et, plutôt que devant le chalet, ils allaient le faire près du lac en rêvant de baignades. Mais la saison n’y invitait pas encore et, comme le soir chacun rentrait chez soi, personne n’avait à se déshabiller. C’est seulement pour le fameux pont de l’Ascension que Mamie a invité Quentin à passer quatre ou cinq jours au chalet.

Quelques jours plus tôt, jouant dans l’herbe au bord de l’eau avec Chien, Fleur s’était souvenue de cette fois où, l’été passé, elle n’avait pas vraiment aimé être toute nue bien que personne d’autre que Mamie ne pût la voir. Si c’était par manque d’habitude, ça risquait d’être pareil lorsque Quentin et ses parents seraient là. Parce que sous la douche avec lui, c’est vrai qu’elle s’était tout de suite sentie à l’aise. Mais être toute nue sous la douche, c’est normal, tandis que dehors … Après avoir bien vérifié que personne ne pouvait la voir, elle s’était déshabillée avec une sorte de timidité. Toute nue, elle avait encore bien regardé tout autour d’elle et elle avait ri, en se disant qu’elle était bête, mais sans trop oser bouger. Puis elle avait vu Chien qui s’était assis devant elle et la regardait, attendant qu’elle se remette à jouer avec lui. Elle avait ramassé une de ses chaussures et la lui avait lancée, Chien l’avait rapportée et s’était assis à nouveau en remuant la queue. Alors le jeu avait continué et au bout de quelques minutes Fleur avait si bien oublié qu’elle était toute nue qu’elle avait failli rentrer au chalet sans penser à se rhabiller. Quand elle s’en était aperçue, elle avait bien ri et elle s’était dit que cette fois elle était tranquille : Quentin pouvait arriver. Quant à ses parents … on verrait bien.

Ils sont arrivés vers onze heures et demie le jeudi de l’Ascension, car ils avaient voulu venir ensemble et Bruno n’était pas libre le mercredi. Ils apportaient le lit pliant où Fleur avait dormi chez eux, et Mamie a voulu servir l’apéritif. Les enfants en ont profité :

- On peut aller voir si l’eau est bonne ? a demandé Quentin.

- Allez-y, a dit Jenifer, mais ne vous trempez que les jambes : j’aime mieux que vous n’alliez pas nager quand nous ne sommes pas là pour vous surveiller.

- Si vous devez vous tremper les jambes, vous feriez peut-être aussi bien de laisser vos pantalons ici, a ajouté Mamie. Même si on les apercevait de la route, en culotte ils ne choqueront personne, a-t-elle commenté pour les parents.

- Prenez quand même des serviettes a conclu Bruno.

Ils sont partis tous les deux en courant. Toute heureuse de la surprise qu’elle allait faire à son ami, Fleur se sentait des ailes. Sitôt passée la crête, elle s’est déshabillée en un tournemain et c’est toute nue qu’elle a dévalé la pente vers le lac.

Il n’a pas fallu plus de vingt secondes à Quentin pour la rejoindre dans le même appareil.

- Tu es géniale Fleur ! s’est-il écrié. Depuis tout ce temps, j’avais peur que tu n’oses plus !

Fleur était toute rose.

- On se trempe les jambes ?

Ils se sont avancés prudemment.

- Ça va ! Elle est bonne ! a dit Quentin.

- Oui, a approuvé Fleur.

- Bon, a dit Quentin. On nage pas, d’accord, mais se tremper, puisqu’elle est bonne et qu’on a des serviettes…

- En tout cas on peut s’éclabousser, puisque ça mouillera pas nos affaires, a dit Fleur en joignant le geste à la parole.

L’après-midi aussi, ils se sont déshabillés sitôt la crête franchie. Comme ils avaient couru ils avaient pris de l’avance sur les parents. Ils ont commencé à jouer dans l’eau pendant que ceux-ci s’installaient dans l’herbe sous des arbres et ce n’est que quelques minutes plus tard, quand ils sont venus à leur tour se baigner que Fleur s’est rendu compte que seule Mamie portait son maillot habituel. Pendant un moment, elle a évité de regarder Bruno, parce qu’un monsieur tout nu, c’était quand même la première fois qu’elle en voyait un. Est-ce qu’elle avait vu son papa autrefois ? Elle ne s’en souvenait pas. Puis elle n’y a plus prêté attention. Elle a même osé faire comme Quentin qui grimpait sur ses épaules pour plonger.

En avance sur la saison, la journée était déjà estivale. Au bord de l’eau, Léa jouait avec Chien avec des cris de joie. Au bout d’une heure, Mamie est partie nager vers le milieu du lac et quand elle est revenue c’est accroché à son bras qu’elle portait son maillot. Elle est allée s’asseoir sur sa serviette, sous un arbre, comme un peu intimidée et personne n’a rien dit. Seule, Fleur avait failli applaudir, mais Jenifer, qui était à côté d’elle, lui avait glissé à l’oreille :

- Chut ! Elle sera plus à l’aise si on dit rien !

Personne n’a donc fait semblant de rien et un quart d’heure plus tard, c’est Mamie qui a dit en souriant :

- J’apprécie votre discrétion, mais voilà, je me sentais un peu bête, toute seule en maillot, alors il fallait bien que j’essaye.

- Et ? a dit Jenifer.

- Et … Je ne peux pas dire que je sois complètement à l’aise, même si avec vous je me sens vraiment en famille. En tout cas je ne me vois pas faire ça avec n’importe qui. Mais c’est peut-être bien vous qui avez raison quand même…Question d’habitude sans doute.

- Excusez-moi, a-t-elle continué en s’enveloppant dans sa serviette : pour l’instant je me sens quand même mieux comme ça. Mais ce qui est sûr c’est que, quand je vois les enfants jouer ensemble et avec vous si naturellement, je me dis que pour eux c’est probablement mieux que de cacher son sexe à tout prix. Remarquez qu’entre Fleur et moi ça n’a jamais été le cas, mais de grand-mère à petite-fille c’est quand même particulier. Passé deux ou trois ans mon fils ne m’a jamais vue nue et dès qu’il a fait sa toilette tout seul je ne l’ai plus vu non plus. Nous avions été élevés comme ça, mon mari et moi.

- Et nous, ça ne vous gêne pas que nous soyons nus ? a demandé Bruno.

- Curieusement, pas du tout, a répondu Mamie. C’est probablement parce qu’on vous sent parfaitement à l’aise. C’est sûrement une question d’habitude …

L’habitude, Quentin et Léa l’avaient évidemment. Quant à Fleur, ce n’était manifestement plus un problème pour elle. Quand il a fallu quitter le lac, les parents ont dû leur rappeler que, de l’autre côté de la crête, on pouvait les apercevoir depuis la route et que des passants risquaient d’en être choqués pour qu’ils se décident à remettre une culotte.

Puis Jenifer, Bruno et Léa sont repartis. Le soleil était presque couché et déjà le temps fraîchissait, Fleur et Quentin ont donc mis leurs joggings pour la soirée. La douche n’était faite que pour un adulte, mais comme ils n’étaient pas bien gros, ils pouvaient à la rigueur y tenir à deux. C’était amusant mais pas vraiment commode pour bouger. Ils se sont donc savonnés devant le lavabo et ne l’ont utilisée que pour se rincer. Puis ils ont enfilé pyjama et chemise de nuit et les ont gardés pour dormir car il faisait décidément de plus en plus frais.

Le lendemain matin, ils ont attendu que le soleil éclaire la prairie pour sortir. Quentin était encore en pyjama et Fleur en chemise de nuit. Ils ont couru un moment dans l’herbe avec Chien, puis ils sont allés vers le lac que les premiers rayons venaient d’atteindre. Quand Quentin a enlevé son pyjama, Fleur lui a rappelé qu’ils ne devaient pas se baigner tout seuls.

- Seulement les jambes, comme hier ! a plaidé Quentin.

- Mais on n’a pas de serviettes !

- Tu as raison. On va en chercher ?

Il a ramassé son pyjama mais il en en a seulement remis le bas pour franchir la crête. Mamie leur a permis de retourner au lac et même de se baigner au bord : elle le connaissait assez bien pour savoir qu’il n’y avait pas de danger.

- Mais vous seriez mieux en maillot qu’en tenue de nuit ! …Au moins pour y aller, a-t-elle poursuivi en souriant. Après … vous faites comme vous voulez !

Et tout d’un coup , Fleur a eu une idée :

- Mais si on sort par derrière, par le bûcher, personne peut nous voir depuis la route !

- C’est vrai, a admis Mamie. Et alors ?

- Ben … les maillots on n’en a pas besoin !

- Et si jamais il y avait quelqu’un, a ajouté Quentin, on a toujours les serviettes !

La journée du vendredi est passée à toute allure. Devinant l’envie des enfants, Mamie avait préparé un pique-nique, si bien que jusqu’au moment où le soleil a disparu derrière la montagne ils ne se sont pas rhabillés. Mamie les regardait jouer en souriant dans son grand maillot de bain noir. Le lendemain, le temps étant plus capricieux, ils se sont vingt fois déshabillés et rhabillés, selon leur envie, et pas forcément en même temps.

C’est ainsi que les choses se sont passées entre eux à partir de ce jour chaque fois que, chez l’un ou chez l’autre, ils ont passé quelques jours ensemble. Être nus ou vêtus n’avait plus aucune importance à leurs yeux et dépendait seulement de l’envie du moment et des circonstances qui la suscitaient.

Et cela a duré … longtemps.

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