À partir de ce jour la présence de Léa ne fait plus obstacle à ce que Thibaud et Zoé vivent chez eux plus ou moins nus, vêtus ou déguisés selon leur fantaisie du moment. Rentrée chez elle le premier soir, passée la bouffée d’émotion qui lui a fait accepter la nudité des enfants, elle a tout de même pensé qu’elle aurait quelque difficulté à s’y habituer.
Passe encore pour les fins d’après-midi ordinaires qui en fait, du retour de l’école à l’arrivée de Clément, ne durent qu’environ une heure et demie, mais la journée du mercredi l’inquiétait.
En fait son étonnement a été de constater que tout se passait très naturellement.
Les mercredis précédents elle avait été étonnée, quand Thibaud et Zoé ne s’étaient levés qu’après son arrivée, qu’ils soient déjà en jogging au sortir de leur chambre : elle s’était plutôt attendue à les voir apparaître tels que sortant du lit. Dans la même logique, puisque c’était nus qu’ils avaient dormi elle ressentit en définitive comme assez normale cette image à laquelle elle avait commencé à s’habituer. De son côté David ne manifesta d’abord pas plus le besoin d’ôter ses vêtements que les « grands » celui d’en mettre. Puis on joua avec les déguisements qu’on revêtit, ôta, modifia, échangea au milieu du living sans retenue, et Léa comprit alors en les voyant nus au moment des échanges pourquoi, les mercredis précédents, c’était dans leur chambre que les deux enfants allaient y procéder. Cette fois, David participa au jeu. Zoé s’ingéniait à trouver pour lui des pièces de vêtement qu’on pût à peu près ajuster à sa taille. Pour eux aussi bien que pour lui, peu importait la cohérence de l’ensemble pourvu que l’image qu’on courait voir dans la grande glace de la salle de bain fût drôle. En l’occurrence, le petit aurait évidemment pu garder ses sous-vêtements, mais puisque les grands n’en portaient pas, dès qu’il se déshabilla ce fut entièrement. C’est Zoé qui, se délectant à prendre avec lui un rôle de petite maman pensa à lui dire qu’il ne faudrait pas faire ça à l’école, que c’était seulement ici qu’on avait le droit.
Vers la fin de l’après-midi, alors que le petit, qui n’avait pas fait sa sieste coutumière, s’endormait sur les genoux de sa mère, Thibaud suggéra que Zoé et lui-même pourraient aller jouer dans la baignoire, comme ça leur toilette serait faite quand Papa reviendrait. La chose, qui n’eût sans doute pas étonné Léa s’ils avaient été plus jeunes, la surprit tout de même un peu à leur âge. Mais, désormais accoutumée à remettre en cause les principes traditionnels reçus de ses parents, elle admit qu’il n’y avait de fait rien là de répréhensible pour des enfants habitués à vivre nus ensemble.
Un peu plus tard, bien réveillé et attiré par le bruit qu’ils faisaient, David les rejoignit d’abord dans la pièce, puis dans la baignoire. Il l’avait réclamé, Thibaud et Zoé avaient immédiatement approuvé et Léa avait fini par céder. Ils s’empressèrent de le raconter à Clément à son retour.
- C’est eux qui ont voulu, s’excusa Léa. Je n’ai pas osé leur dire non !
- Est-ce que vous savez leur dire non quelquefois ? s’amusa Clément.
Léa réfléchit.
- En fait s’ils ne m’avaient pas expliqué, l’autre jour, je crois que leur aurais défendu de rester tout nus. Mais puisque ça, c’est leur maman qui les a habitués et que vous êtes d’accord, bien sûr je n’ai rien à dire. C’est peut-être bien vous qui avez raison, d’ailleurs : quand je vois faire le mien !… Sinon ils sont tellement gentils ! Je n’ai jamais eu besoin de leur dire non !
- Bon, dit Clément. Tant mieux ! Mais méfiez-vous quand même ! Des enfants de leur âge qui ne font pas de bêtises, ça n’existe pas ! Des adultes non plus d’ailleurs, ajouta-t-il en riant pour prévenir leurs protestations. Mais non, pour le bain en ce qui me concerne, pas de problème.
- Il est tellement heureux ici, mon David ! Chez nous c’est petit, pour la toilette j’ai juste une cuvette pour le doucher devant le lavabo alors vous imaginez !
- Non, je n’imaginais pas, dit Clément. Vous savez, vous pouvez lui donner son bain ici autant que vous voulez ! Et vous-même, si vous voulez profiter de la salle de bains, ne vous gênez pas !
- Oh ben non ! Quand même !
À la voir rougir subitement, Clément devina le malentendu.
- Je veux dire quand vous êtes seule, naturellement ! Vraiment, vous auriez tort !
Il souriait encore, et elle rougit de plus belle.
***
Léa retournait l’incident dans sa tête. Elle s’en voulait d’avoir eu cette idée saugrenue. Elle dans la baignoire avec les trois enfants ! Comme si c’était matériellement possible ! Quand elle pensait qu’en plus Clément l’avait deviné elle en était gênée comme s’il l’avait vue toute nue.
Mais du coup elle pensait aussi à cette salle de bain confortable dont, sauf quand parfois elle restait dormir chez ses parents, elle était privée depuis qu’elle n’y habitait plus. Après tout, l’offre de Clément était tentante. Pourquoi ne pas en profiter ? Elle mit deux jours à se décider, mais le vendredi, quand elle vint en début d’après-midi pour faire le ménage avant le week-end, elle apportait avec elle ses affaires de toilette et dès son arrivée elle se fit couler un bain.
Détendue dans l’eau tiède, elle se mit à penser à cet étrange mode de vie que pratiquait cette famille si sympathique, si « normale » par ailleurs.
Dans la brochure de la Sablière, que les enfants lui avaient montrée, on voyait une belle plage de rivière où des gens de tous âges se baignaient nus ensemble. Et comme ça, en pleine nature, elle devait admettre qu’elle n’avait pas trouvé ça choquant. Sur la photo, c’est à peine si on remarquait qu’ils ne portaient pas de maillots. Il avait pourtant bien fallu qu’ils l’enlèvent, pensa-t-elle d’abord et ça, elle ne pouvait pas s’imaginer, elle, en train de le faire devant tout le monde. Mais c’est vrai que selon les enfants, ils vivaient là nus en permanence. Ils n’avaient donc pas eu à enlever leurs maillots. Comme Zoé et Thibaud ce mercredi, ils n’en avaient tout simplement pas mis. Et bien qu’elle-même, ne dormant pas nue, n’en eût pas l’expérience, elle sentait confusément que ce n’était pas pareil.
Mais tout de même, en appartement … Bon : David y jouant tout nu, c’était juste joli. Mais David, c’était son bébé. La première image que sa mémoire avait enregistrée de lui, c’était quand on l’avait posé nu sur son ventre dont il venait de sortir. Elle l’avait langé, baigné, elle lui faisait encore sa toilette, il lui était donc naturel de le voir ainsi. Zoé et Thibaud en revanche, à priori ça n’allait pas de soi. Mais quoi, le petit abricot de Zoé, le petit robinet de Thibaud, elle ne voyait pas ça comme des sexes. Eux aussi ils étaient beaux tout nus. Beaux comme de jeunes animaux. Et comme pour de jeunes animaux, elle trouvait qu’il aurait fallu être sérieusement dérangé pour penser au sexe en les voyant nus.
Mais des adultes …
Elle, quand elle séjournait chez ses parents avec David, elle trouvait normal il est vrai de prendre son bain avec lui, et jusqu’à présent personne n’y avait trouvé à redire. Mais il venait seulement d’avoir trois ans, et c’était dans le cadre de la toilette. Il faut bien se laver tout entière ! Se promener nue devant lui dans leur studio en revanche, non, ça ne lui aurait pas semblé naturel. Encore moins ici devant Thibaud et Zoé !
Sa pudeur, évidemment elle l’avait oubliée dans les bras du père de David. Mais comme ça lui paraissait loin déjà ! La grossesse qu’elle n’avait pas voulu interrompre les avait séparés définitivement et depuis elle avait été trop occupée du petit pour s’intéresser à un homme. Elle était pudique et voilà tout. Même seule dans sa chambre, elle ne restait nue que le temps de se changer. Pas honte de son corps, non, mais habituée comme ça depuis l’enfance, elle n’était pas vraiment à l’aise dans cet état ailleurs que dans une baignoire.
Juste une question d’habitude ? Jusqu’à l’heure d’aller chercher les enfants, pour deux heures à peu près, elle était seule dans l’appartement. Ce serait tout de même une curieuse expérience à tenter, d’y rester nue tandis qu’elle allait passer l’aspirateur et faire du repassage, juste pour savoir quel effet ça lui ferait.
En se traitant de folle, mais trouvant déjà quelque plaisir à n’être pas raisonnable, elle se risqua donc hors de la salle de bain sans avoir remis aucun vêtement. Elle se sentit d’abord très nue. L’impression gênante que les murs avaient des yeux et la regardaient d’une manière indécente. Mais elle s’avoua que cette impression était absurde, s’efforça donc de la rejeter pour se concentrer sur son travail et y parvint si bien qu’au bout d’une heure elle ne pensait plus à son corps. Pas plus que si elle avait été vêtue.
Quand le moment fut venu de se rhabiller pour sortir elle s’employa à faire un bilan honnête. À tout prendre, passés les premiers moments où, par la force de l’habitude, elle avait eu l’impression qu’il lui manquait quelque chose, l’expérience n’avait pas été désagréable. Une habitude chassant l’autre, pouvait-elle devenir source de plaisir ? Rien ne lui interdisait de l’essayer à nouveau. Mais quant à se montrer nue aux enfants comme le faisaient leurs parents et même leurs grands parents, non, vraiment, cela ne lui semblait pas envisageable.
***
Elle avait d’abord pensé à tenter ce nouvel essai chez elle, un matin, après avoir conduit David à l’école. Mais en se déshabillant elle eut le sentiment de faire quelque chose d’absurde. Elle se souvint alors des réflexions que lui avaient inspirées les images de la Sablière : c’était se mettre nue sans raison pratique particulière qui ne lui semblait pas naturel. Mais passée la première surprise, elle comprenait en revanche désormais sans grande peine que Zoé et Thibaud aient envie en rentrant chez eux de se débarrasser de leurs vêtements de la journée comme la plupart des gens le font de leurs chaussures. Et, entrant dans leur logique, elle admettait de plus en plus facilement qu’une fois nu on puisse n’éprouver ni le besoin ni l’envie d’en enfiler d’autres. Lors de son premier essai, c’était bien pour prendre un bain qu’elle s’était déshabillée et non pas pour vaquer à ses occupations ordinaires. Elle n’avait fait ensuite que rester nue en en sortant.
Elle songea donc, toujours par envie de mieux comprendre cette famille à laquelle elle s’attachait, à tenter une nouvelle expérience en calquant, autant que faire se pouvait, sa conduite sur celle des enfants. Mais elle sentit bien que David, s’il avait eu spontanément envie de les imiter dans une maison qui était la leur et où il n’avait pas encore ses propres habitudes, serait fort surpris de voir tout à coup sa mère adopter – et lui proposer, évidemment – un comportement qu’il ne lui avait jamais connu. Elle rusa donc.
Ordinairement, quand elle regagnait son logement le soir avec David, elle le déshabillait pour lui faire sa toilette puis lui mettait son pyjama. Puis elle préparait leur repas du soir, après lequel elle le couchait. Pour sa propre toilette, elle attendait souvent qu’il dormît, mais souvent aussi elle la faisait aussitôt après lui et passait le reste de la soirée vêtue de son grand tee-shirt de nuit. Pour tenter son expérience sans bouleverser ces habitudes, elle commença donc un soir, après la toilette du petit, par faire mine de ne pas trouver son pyjama. Elle lui demanda de le chercher avec elle, évidemment sans succès, et transforma rapidement la chose en jeu. Au bout d’un quart d’heure passé à s’amuser ainsi, elle pensa que, l’enchaînement automatique toilette-pyjama étant rompu, il ne ressentirait plus comme anormal le fait de rester nu ici comme il en avait l’habitude chez ses amis, et elle se risqua donc à conclure :
- Ça t’ennuie si on le trouve pas, le pyjama ? Tu veux pas rester tout nu comme Zoé et Thibaud ?
La référence aux grands qu’il adorait produisit l’effet magique escompté, et David accepta avec enthousiasme. Il acheva donc la soirée et dormit ainsi, après qu’afin de banaliser davantage sa propre nudité elle eût pris pour sa toilette un peu plus de temps que de coutume.
Le lendemain qui était un vendredi, après celle de David, elle déclara qu’elle avait retrouvé le pyjama perdu et lui demanda s’il préférait le mettre ou continuer à faire comme Thibaud et Zoé. Et comme elle l’avait espéré, le bambin choisit d’imiter ses idoles. Elle attendit ensuite de l’avoir couché pour faire ses ablutions, sortit nue du cabinet de toilette pour se diriger vers son lit où elle avait disposé son tee-shirt, s’arrêta pour demander à son fils, en lui faisant son bisou du soir, s’il se trouvait bien tout nu dans son lit et s’il avait bien dormi la nuit précédente et, sur sa réponse positive, déclara qu’elle avait « envie d’essayer de faire pareil ».
C’est ainsi que le samedi matin, étant tous les deux nus au lever, ils purent le rester une bonne partie de la matinée sans que l’enfant parût s’en étonner. De son côté, si la stratégie qu’elle avait imaginée lui avait coûté quelque effort la veille au soir, au moment de dire bonsoir, Léa s’y trouva bientôt aussi à l’aise que lui.
***
Désormais il fut banal pour eux deux d’être nus ou pas chez eux selon l’envie ou la commodité du moment comme c’était le cas pour les trois enfants chez Clément. Léa n’y trouvait pas vraiment un plaisir particulier mais cela lui était physiquement indifférent. Chez Thibaud et Zoé elle admirait en revanche un naturel et une qualité de relations qu’elle trouvait exceptionnels. Par comparaison, elle ressentait quelque chose de malsain dans ses propres souvenirs d’enfance : ce sexe qu’il fallait cacher comme s’il eût été honteux. Cette curiosité qu’excitait l’interdit. Elle se souvenait d’avoir beaucoup regardé celui de son petit frère quand on ne le lui cachait pas encore. Et de ce jour où, découvrant qu’à son tour il rusait pour apercevoir le sien, elle avait pris une initiative : en cachette évidemment, ils s’étaient déculottés l’un en face de l’autre pour s’examiner à loisir. Elle devait avoir six ans et lui cinq. Mais elle en avait eu honte ensuite, pour elle-même et pour lui qu’elle se reprochait d’avoir corrompu, et ils n’avaient jamais recommencé. Quant à des sexes d’adultes, elle se souvenait bien aussi de ce mélange de curiosité et de répulsion qu’elle avait éprouvé au début de son adolescence, devant des photos interdites qui circulaient au collège et qui avait encore marqué plus tard ses premières expériences sexuelles.
Elle ne se souvenait pas que ces malaises aient été pour elle source de plaisir.
À défaut d’en ressentir personnellement une véritable envie, elle avait donc fait le choix d’offrir à son fils cette liberté qu’elle admirait chez Thibaud et Zoé et qui, pensait-elle, les en préserverait. Seule avec lui, elle n’avait eu qu’à élargir le domaine des circonstances où la nudité partagée était possible. En revanche si elle pouvait désormais imaginer sans effroi que Thibaud et Zoé la voient un instant nue par accident, il lui semblait qu’à le rester en leur présence, quand bien même ils l’étaient aussi, elle aurait eu l’impression de tomber dans l’exhibitionnisme.
Ils n’en demandaient pas tant du reste. D’une façon générale, le principe dans lequel ils avaient été élevés était qu’on était habillé en présence de gens habillés. Mais on pouvait faire une exception pour des familiers acceptant la nudité sans la pratiquer en appartement, comme leurs grands-parents. L’envie de vivre « comme avec Maman » les avait conduits à étendre cette exception à Léa en qui ils avaient très vite trouvé, plutôt qu’une adulte étrangère, une sorte de grande sœur les regardant avec une tendresse sans ambiguïté. Ils n’en parlaient pas avec elle, l’occasion ne s’en présentant pas, mais ils ne doutaient pas au fond d’eux-mêmes qu’elle aurait pu, comme leurs grands parents, les accompagner à la Sablière.
Ainsi s’établit donc en quelques semaines entre eux, David, Léa et Clément, un mode de vie habituel dans lequel chacun se trouvait à l’aise.
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