3ème partie
I
Après le départ de Clément, Fabienne était rentrée dans la maison, incertaine encore de ce qu’elle ferait de cette journée. Les enfants étaient chez leur père jusqu’au dimanche suivant et sans cette rencontre elle aurait du être encore sur la Côte, à se dorer au soleil avec un bon livre. Mais puisque le temps restait au beau fixe, en remplaçant la Méditerranée par la piscine de Caluire, voire par le lac de Miribel, à peine moins proche, elle pouvait en gros garder le même programme.
Tout en faisant sa toilette matinale, elle récapitulait cette aventure – il aurait été raisonnable de n’y pas voir autre chose - et lui trouvait tout de même une saveur différente. Des nuits sans lendemain avec des partenaires de rencontre, elle en avait connu depuis son divorce. Une attirance physique immédiate réciproquement acceptée puis, le désir plus ou moins agréablement assouvi, plus aucune raison d’aller plus loin. Elle ne répugnait pas alors à s’avouer que pas plus que l’autre elle n’en avait souhaité davantage. « Vivre comme un mec », puisque, depuis la trahison de son mari, elle ne croyait plus à l’amour. Mais au matin de sa première nuit avec Clément, était-ce seulement l’envie d’une promenade en moto qui lui avait fait accepter son invitation ?
Viril à souhait, il avait su aussi se montrer tendre avec naturel. Au bord du torrent, il lui avait fait vivre une expérience nouvelle à laquelle elle avait pris un réel plaisir, et puis cette coïncidence. C’était lui qui avait proposé, puisqu’ils habitaient tous deux Lyon, qu’ils envisagent de se revoir. C’était elle qui, sans réfléchir, avait exprimé l’envie de mieux le connaître. Que l’aventure se prolongeât un peu, cela aussi lui était arrivé plus d’une fois. Cela n’engageait à rien. Mais c’était la première fois que cela l’entraînait à rencontrer d’un coup enfants et parents du partenaire et à se retrouver rapidement à l’aise avec eux nue dans la nature.
Cela justifiait-il qu’elle se prît à rêver de famille recomposée ?
Après tout, Bruce et Anaïs avaient bien accepté de vivre un week-end sur deux et la moitié des vacances avec un père remarié, une belle-mère, une petite demi-sœur, bientôt un second bébé, pourquoi ne pourraient-ils pas accepter un beau-père et peut-être, occasionnellement, ses enfants ? Naturistes les enfants, il est vrai. Mais quoi, rien n’obligeait à en faire état devant les siens puisque leurs camarades de classe n’en savaient rien. De plus, à ce qu’elle avait cru comprendre, Clément n’en avait jamais revendiqué la garde, même un week-end sur deux, et se satisfaisait de ne les voir que sous la responsabilité de ses parents. Ils ne seraient donc guère encombrants.
Elle n’aimait pas ce mot qui lui était venu spontanément à l’esprit : ils lui avaient plu, ces enfants, à la Sablière, et elle se souvenait d’avoir pensé, en les regardant s’amuser dans la rivière, qu’elle aurait aimé voir les siens partager leurs jeux.
On n’en était certes pas là de toutes façons. Avant de se séparer, Clément et elle avaient échangé leurs numéros de téléphone, elle lui avait dit qu’elle serait libre le second week-end de septembre… On verrait bien…
Elle entreprit de faire un peu de ménage dans sa maison. Mais sa pensée, que les gestes routiniers laissaient libre de vagabonder, la ramenait opiniâtrement à cette après-midi à la Sablière.
Elle avait craint, avant d’arriver, l’image de personnes de l’âge de Robert et Monique nues. Or, si elle ne l’avait pas trouvée en fait plus belle qu’elle ne l’avait imaginée, elle n’en avait pourtant pas été choquée. Personne, s’avouait-elle, ne leur aurait contesté le droit de se montrer en maillot, or ils n’en auraient pas été plus beaux. Manifestement vécue sans plus y penser, leur nudité n’était pas obscène. Quant aux enfants, Thibaud et Zoé tout comme les autres qu’elle avait vus au bord de la rivière ou dans les allées du domaine l’avaient émerveillée. À la plage ou à la piscine, elle prenait ordinairement plaisir à regarder des enfants jouer, mais là il y avait quelque chose de différent, quelque chose de plus … pur ?
Pourquoi était-ce ce mot-là qui lui venait ? Il ne pouvait s’agir d’une appréciation morale, non, mais esthétique peut-être : il y avait entre ces enfants nus et la nature dans laquelle ils évoluaient une harmonie manifeste, une sorte d’homogénéité qu’aucun élément étranger ne venait rompre. Cette image lui semblait pure comme on dit d’un vin qu’il est pur lorsqu’il est sans mélange : pourquoi donc ce mot entraînait-il automatiquement des connotations d’ordre moral ? Elle s’avisait alors qu’en définitive c’était dans cet état de nudité ne réservant à aucune partie de leur anatomie un traitement discriminatoire que l’image de leurs corps était le moins ostensiblement sexuée. Non que le sexe fût synonyme d’impureté, mais il lui semblait incongru d’en associer l’idée à des images d’enfants. Et certes ils se savaient garçons et filles, mais n’étaient-ce pas en définitive les usages sociaux qui, tout à la fois appelant l’attention sur les organes sexuels par l’obligation de les cacher et soulignant de mille autre façons la différenciation identitaire des deux sexes chez les enfants, lui faisait prendre dans leur conscience, bien plus tôt qu’il n’était nécessaire, une importance toute particulière ?
Elle se demandait alors si ces naturistes, qu’elle avait jusque là considérés plus ou moins comme des hurluberlus, n’avaient pas finalement mis le doigt sur quelque chose qui, pour l’éducation des enfants, pouvait être important et qu’elle avait méconnu. Songeant à la pudeur pointilleuse de son fils, elle se prenait à penser qu’il était sans doute trop tard pour faire machine arrière et que c’était peut-être dommage. Et certes il n’était dès lors pas envisageable d’imposer le naturisme à ses enfants. Mais peut-être pour Anaïs qui, du moins avec elle, n’avait pas encore manifesté les mêmes dispositions que son frère, pourrait-elle s’efforcer de préserver une relation plus ouverte avec son corps.
Elle prit alors la résolution de s’informer davantage des approches théoriques du naturisme.
En attendant, comme la matinée était désormais assez avancée pour que le petit jardin, derrière la maison, fût ensoleillé, elle décida qu’elle n’avait pas besoin d’aller jusqu’à la piscine publique. Un drap de bain sur la pelouse et le petit bassin qui en occupait le centre lui suffiraient pour l’instant. Prévu au départ pour l’agrément du regard, il avait été transformé dans les premiers temps de son mariage en une petite piscine qui, si elle ne donnait pas à une adulte la place de nager, lui permettait du moins de se rafraîchir et convenait aux jeux des enfants. Quelques centimètres ajoutés au muret qui l’entourait et un kit de filtration pour piscine hors-sol y avaient suffi. Soucieux de leur intimité, presque tous les habitants du quartier avaient dès longtemps pris soin, comme elle et son mari, d’entourer leurs parcelles de haies et pour la première fois Fabienne éprouva l’envie d’en profiter pour se passer de maillot. Elle y céda en toute sérénité et passa nue au soleil deux heures agréablement paresseuses. À tout prendre, la question du regard d’autrui ne se posant pas, elle reconnaissait que l’absence de vêtements donnait au corps une agréable sensation de liberté.
La chaleur inhabituellement persistante de cette fin de mois d’août l’y invitant, c’est donc dans le même état qu’elle finit la journée et même la plus grande partie de la semaine, ne s’habillant que quand il lui fallait sortir pour faire son marché. De plus en plus elle comprenait que les naturistes prennent plaisir à vivre ainsi tant que le climat s’y prêtait et se prenait à regretter de n’y avoir pas songé plus tôt.
***
Bruce et Anaïs revenus, il n’en était évidemment plus question.
Il ne restait à Fabienne qu’une semaine pour préparer leur rentrée et la sienne. Après avoir commencé des études de langues dans le dessein de devenir interprète, elle avait en effet bifurqué vers l’enseignement secondaire pour avoir des horaires de travail plus aisément compatibles avec une vie de mère de famille et elle enseignait actuellement l’anglais au collège de Caluire. Les journées furent donc bien remplies, non sans laisser pourtant quelques moments pour profiter du jardin et de sa petite piscine.
Comme Bruce ronchonnait, regrettant qu’à l’inverse de celle dont il avait profité chez son père elle n’offrît pas assez de place pour nager, Fabienne proposa aux deux enfants d’aller passer un après-midi au bord du lac de Miribel. On mettrait les maillots avant de partir, on emporterait de quoi se changer pour le retour s’ils n’avaient pas eu le temps de sécher sur la plage et, comme beaucoup de familles, on le ferait alors dans le parking, entre deux voitures. Elle savait que Bruce préférait, s’y sentant plus à l’abri des regards dont pourtant sa serviette l’aurait de toutes façons protégé.
Ainsi firent-ils après avoir bien profité du lac, lui le premier, un peu empêtré dans la serviette qu’il refusait qu’on lui tînt, et qui rentra ensuite immédiatement dans la voiture. Anaïs, elle, accepta volontiers l’aide de sa mère.
- Attention, il y a des gens qui vont passer derrière nous, avertit Bruce qui, de sa place, surveillait les alentours.
- Aïe aïe aïe, Anaïs ! fit Fabienne, tendant en riant la serviette en paravent derrière la petite. On va te voir toute nue !
Comme le rire de sa mère l’y invitait, celle-ci enfila sa culotte en riant aux éclats tout en faisant semblant d’être très effarouchée. Puis elle acheva de s’habiller et rejoignit son frère sur la banquette arrière.
C’était le tour de Fabienne. Elle prépara ses vêtements sur son siège et s’enveloppa du drap de bain pour ôter, derrière la portière ouverte, le maillot « une pièce » qu’elle avait mis ce jour-là. À ce moment une idée bizarre la traversa, qui allait être à l’origine d’une chaîne de réactions plus longue qu’elle ne l’eût imaginé.
Volontairement en fait mais apparemment par maladresse, dans le mouvement qu’elle fit pour prendre son slip sur le siège elle fit tomber le drap.
Elle tourna la tête vers Anaïs qui, contrairement à son frère, la regardait se changer, et fit « Oups ! » en souriant tandis qu’elle le ramassait prestement.
Continuant le jeu de l’instant précédent, la petite chantonna :
- Je t’ai vue toute nue e !
- Aïe aïe aïe ! fit à nouveau sa mère tout en continuant à se changer sous le drap. Et c’est grave, ça ?
Cette soudaine inversion des rôles embarrassait la petite fille. C’était Maman qui savait si une bêtise était grave ou non. Elle répondit donc tout naturellement :
- Je sais pas.
- Moi j’ai rien vu ! affirma Bruce, afin qu’il fût bien clair que cette question ne le concernait pas.
- Moi je ne crois pas, ma chérie, reprit la maman en souriant après avoir fait mine de réfléchir. D’ailleurs ce n’est pas la première fois que tu me vois toute nue, rappelle-toi : il n’y a pas tellement longtemps qu’on prenait encore notre bain ensemble dans la baignoire ! Et même avec ton frère, quand il était petit ! Mais ça, c’était avant ta naissance.
- Moi, je me rappelle pas, affirma sincèrement le garçon.
- C’est qu’avec toi j’ai arrêté un peu plus tôt : quand j’ai été enceinte de ta sœur. Tu avais trois ans. Tandis qu’avec elle … la dernière fois c’était quand ? Il n’y a pas deux ans, je crois. Quand j’ai réalisé qu’avec la douche on économisait du temps et de l’eau.
La réalité était un peu différente et Fabienne s’en souvenait très bien. Quand Bruce était petit, son père n’avait jamais approuvé qu’elle prît son bain avec lui. Elle avait d’abord tenu bon parce que l’enfant et elle y prenaient un plaisir qu’elle jugeait parfaitement innocent. En affirmant que cette intimité avait quelque chose de malsain, son mari mettait en doute cette innocence et elle trouvait cela insupportable. Elle avait donc continué par principe. Puis, alors que, de guerre lasse, elle allait sans doute finir par céder, sa grossesse lui avait opportunément fourni un prétexte pour le faire sans perdre la face. Pour Anaïs, le père n’étant plus là, elle avait fait ce qu’elle avait voulu. Elle savait qu’il désapprouvait. Mais s’agissant d’une fille c’était avec moins de vigueur et de toutes façons il n’était plus guère en situation de donner des leçons de morale. C’est d’elle-même qu’elle avait progressivement remplacé le bain partagé par la douche, que la petite avait ensuite été très fière de savoir prendre toute seule, comme son grand frère.
- Oui, c’est vrai ! se souvint Anaïs. Mais on s’amusait bien avec la mousse toutes les deux dans le bain ! Pourquoi on le fait plus ?
- Tu aimerais ?
- Oh oui !
- Je pensais que tu devenais trop grande, mais si tu en as envie on pourra le faire de temps en temps, ma chérie.
Il n’était évidemment pas question de la faire régresser. Mais de temps en temps juste pour le plaisir, comme quand elle lui permettait de venir la rejoindre dans son lit, le dimanche matin, tandis que Bruce était très fier de leur y apporter le petit déjeuner … Et cela contribuerait à maintenir dans son esprit l’idée que, entre elle et sa mère du moins, la nudité partagée n’était pas interdite.
- Lisa elle prend jamais son bain avec Ariane, observa Bruce.
- C’est peut-être parce qu’Ariane est enceinte, elle a peur que Lisa donne des coups de pied dans son ventre ! Je te l’ai dit, moi c’est à cause de ça que j’avais arrêté avec toi.
- Même avant ! insista le garçon.
- Écoute, tu n’en es pas sûr : tu ne vis pas tout le temps avec eux. Et puis Ariane fait comme elle veut et moi aussi. On n’est pas obligées de tout faire pareil, reprit Fabienne avec un peu d’irritation.
Son fils n’allait tout de même pas lui donner pour modèle celle qui lui avait pris son mari !
- Vous faites pas tout pareil, confirma Anaïs. Elle fait pas la sauce tomate comme toi. Et l’autre jour elle a un peu grondé Lisa, parce qu’elle sortait des toilettes toute nue. C’était normal ! Elle avait enlevé sa culotte pour faire pipi et elle revenait dans la chambre pour mettre son maillot : elle allait pas la remettre juste pour traverser le couloir ! Elle l’a pas grondée fort, mais quand même. Moi je crois pas que tu m’aurais grondée si j’avais fait ça.
- Moi je l’aime bien, sa sauce tomate, dit Bruce en haussant les épaules.
- Moi aussi ! Mais elle est pas pareille que celle de Maman !
- Ce qui prouve bien qu’on peut ne pas faire pareil et avoir raison toutes les deux ! conclut Fabienne, pas mécontente de son coup.
En rentrant, au discours habituel : « Il faut se laver, parce que l’eau du lac n’est peut-être pas très propre. Bruce, tu vas prendre ta douche le premier. À cette heure-ci, tu ferais aussi bien d’en profiter pour te mettre en pyjama. Anaïs ensuite et moi en dernier. » elle ajouta :
- À moins qu’elle ait envie qu’on prenne notre bain ensemble, toutes les deux.
Puisque c’était elle-même qui avait tantôt ouvert cette porte, autant en profiter avant que la routine ne la lui fît refermer !
- Ouiiiiii ! s’écria la petite.
Bruce ressorti en pyjama de la salle de bain, Fabienne fit donc couler un bain moussant où Anaïs apporta des jouets, et la mère et la fille y restèrent un peu plus longtemps que ne l’exigeait leur toilette. La petite s’y comportait comme quand elle avait quatre ans, tout en marquant clairement qu’il s’agissait d’un jeu, auquel sa mère s’associait dans les mêmes dispositions.
Cela ne devint du reste pas une habitude : dans les semaines qui suivirent Anaïs ne le redemanda guère qu’une ou deux fois à sa mère.
Mais en sortant du bain, Fabienne passa son peignoir qui était pendu derrière la porte et dit à Anaïs de mettre sa chemise de nuit. Celle-ci étant restée dans sa chambre, la petite s’inquiéta de la tenue dans laquelle elle s’y rendrait.
- Comment je fais, Maman ? Je mets la serviette ?
- Si tu veux ma chérie ! Mais tu n’oublieras pas de la rapporter. Sinon, tu peux y aller comme ça, tu sais, ici ce n’est pas un problème.
- Mais si Bruce me voit ?
- Il n’en perdra pas la vue ! Mais si ça t’inquiète prends la serviette.
Anaïs la prit, hésita une seconde puis la laissa là et courut vers sa chambre en riant à l’idée de faire quelque chose qui était inhabituel, même ici, et en tout cas interdit chez Ariane. Elle ne rencontra pas son frère qui n’en sut donc rien pour cette fois. Sachant qu’il l’aurait désapprouvé, elle eut l’impression de lui avoir joué un bon tour, ce qui augmenta son plaisir. Dès lors, forte de l’autorisation que lui avait donnée sa mère la première fois, elle renouvela le jeu tous les soirs en sortant de sa douche, jusqu’à ce que, comme cela devait fatalement arriver, elle se heurtât à Bruce qui attendait son tour derrière la porte.
- Tu pourrais t’habiller ! dit-il. Ça ne se fait pas, ça !
- Maman a dit que ça fait rien, que tu en perdrais pas la vue ! Ça te dérange ?
- Moi je m’en fous de voir ta zézette ! Je l’ai vue souvent quand tu étais petite, qu’est-ce que tu crois ! Mais si tu fais ça chez Papa, Ariane va t’engueuler !
- Je sais ! Mais ici c’est pas elle qui commande ! Si Maman est d’accord, je fais ce que je veux et si toi t’as la frousse de faire pareil, c’est tant pis pour toi !
Car la réprobation de son frère la confirmait dans l’impression d’avoir, pour sa part, choisi une option audacieuse.
- J’ai pas la frousse ! J’ai pas envie, c’est tout. Pas envie que tu me voies et pas envie de te voir. Moi je trouve que Papa et Ariane ont raison : on n’a pas à se montrer tout nu.
- Et moi je trouve que c’est Maman qui a raison. Moi je m’en fiche que tu me voies et je m’en ficherais de te voir. Tu sais, j’en ai déjà vu des garçons qui sortaient leur robinet pour faire pipi !
- Eh ben si t’as regardé, t’es une vicieuse !
- Pourquoi ? C’est juste un robinet ! Et j’ai pas regardé exprès, j’ai vu, c’est tout !
Bruce n’insista pas. Il savait qu’il n’aurait pas le dernier mot avec elle. Il aimait bien sa petite sœur et il n’aurait pas hésité à se mettre en danger pour la protéger. Cependant, convaincu de sa supériorité de garçon sur une fille et d’aîné sur une cadette, il pensait avoir son mot à dire sur son éducation et aurait souhaité de sa part plus de déférence. Mais elle était décourageante.
De son côté Anaïs adorait son grand frère. Mais, jalouse des jeux qu’il ne partageait pas avec elle, elle saisissait la moindre occasion de capter son attention. Dès qu’elle eut compris que la voir nue le contrariait, elle trouva là un moyen de le provoquer. Elle continua donc à sortir ainsi de la salle de bain et c’est lui qui, pour éviter de la rencontrer, prit l’habitude d’attendre dans sa chambre, en tendant l’oreille, que la voie soit libre.
Mais un soir de cette fin d’été curieusement caniculaire, comme il l’avait énervée en la sermonnant parce qu’elle faisait, disait-il, trop de bruit tandis que leur mère était occupée à son travail, elle souleva la chemise de nuit sous laquelle elle ne portait rien en lui tirant la langue.
- Maman ! appela Bruce, scandalisé. Anaïs me montre sa zézette !
- Anaïs ! gronda Fabienne sans se retourner. Je t’ai dit que ce n’est pas grave si par hasard ton frère te voit toute nue, mais lui montrer ta zézette exprès, ce n’est pas pareil. Ça, ça ne se fait pas !
- Sale cafard ! souffla la petite à l’oreille de son frère. T’appelles Maman au secours juste parce que t’oserais pas faire pareil.
- C’est pas pour ça ! protesta le garçon. C’est parce que ça se fait pas. Elle te l’a dit.
- Et toi, des choses qui se font pas, t’en fais jamais ! T’es trop froussard !
C’en était trop ! Bruce ne pouvait pas la laisser dire ça. Tombant à pieds joints dans le piège il vainquit sa répugnance :
- Ah oui ? Qu’est-ce que tu crois ? Tiens !
Et le feu aux joues, il baissa son pyjama.
Cela ne dura pas plus d’une seconde et, la veste couvrant presque entièrement son ventre, la petite ne vit pas grand-chose. Mais ce n’était pas ce qui lui importait. Elle se sauva immédiatement dans sa chambre en riant aux éclats.
- Ça va les enfants ? On ne se dispute plus ? demanda Fabienne.
- Non Maman ! se hâta de répondre Bruce.
Puis il rejoignit Anaïs dans sa chambre pour lui dire :
- Tu dis rien à Maman !
- Maman ! cria la petite pour lui faire peur.
- Écoute, ma chérie, il faudrait me laisser travailler ! Qu’est-ce qu’il y a encore ?
Bruce regarda sa sœur avec inquiétude.
- Je peux aller me baigner dans la piscine ? J’ai chaud !
Il respirait, n’ayant pas deviné le nouveau piège.
- D’accord ma puce, mais demande à ton frère d’y aller avec toi. Moi je n’ai pas le temps et tu sais que je ne veux pas que tu te baignes toute seule.
- Tu viens Bruce ?
- D’accord ! T’as qu’à mettre ton maillot pendant que je vais mettre le mien.
Il y allait, mais la petite le retint par le bras.
- Si tu veux que je dise rien à Maman on y va comme ça et on se baigne tout nus, dit-elle à mi-voix.
- Non !
- Tu préfères que je lui dise ?
Bruce évalua la situation. Avoir à expliquer à sa mère qu’il avait montré son zizi à sa sœur, rien que d’y penser il se sentait des bouffées de chaleur. D’un autre côté le jardin était dans l’obscurité : sitôt nu sitôt dans l’eau, Anaïs ne verrait rien.
- Tu me jures que tu lui dis pas ?
- Je te jure !
Arrivé dans le jardin, il repéra immédiatement les serviettes de plage sur le séchoir et les posa tout près de la piscine. Il ôta bravement la veste de son pyjama et tandis qu’Anaïs se débarrassait de sa chemise de nuit comme s’il n’avait pas été là, il lui tourna le dos pour enlever le bas et se glisser immédiatement dans l’eau.
- T’as triché, dit la petite. Mais ça fait rien ! Je m’en fiche de voir ton zizi : c’était juste pour te taquiner.
Ils jouèrent quelques minutes dans l’eau. Pour en sortir, s’envelopper aussitôt dans une serviette, se sécher et remettre son pyjama, Bruce fut un peu moins attentif à se cacher. L’obscurité et ces quelques minutes passées à jouer nu avec sa sœur sans aucune indiscrétion de sa part l’avaient détendu.
Un peu plus tard, allant se rafraîchir à son tour après les bisous du soir, Fabienne trouva avec une certaine perplexité sur le séchoir les serviettes humides et les maillots des enfants secs.
Elle n’en dit rien le lendemain. Entre eux les enfants non plus ne parlèrent plus de cette soirée et là s’arrêta la réaction en chaîne commencée dans le parking de Miribel.
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