
Cette fois on en finit avec cette histoire, mais en trois morceaux parce que ... je ne suis pas encore très à l'aise pour placer les illustrations !
Ils ont traversé la ville tête baissée et les mains cachées dans les manches, sans trop oser regarder autour d'eux, et personne ne les a remarqués. Quand ils sont arrivés à la rivière ils n'ont eu qu'à observer le sens du courant pour savoir quelle direction prendre et les voilà dans la campagne.
Le soleil est haut dans le ciel et il fait chaud sous ces frocs dont l'étoffe rugueuse gratte leur peau, mais on peut encore rencontrer des gens et il faut les supporter. Ils ont failli céder à la tentation quand un groupe d'enfants qui se baignaient dans la rivière leur ont crié :
- Venez donc vous baigner avec nous petits moines ! L'abbé n'en saura rien !
Mais Kévin a arrêté Morgane :
On peut pas ! Ils vont voir que tu es une fille !
- Tu as raison, a reconnu Morgane. Mais quand on sera dans la forêt et qu'il n'y aura plus personne pour nous voir on pourra quand même en profiter pour se rafraîchir !
Et c'est ce qu'ils ont fait. Mais ils savent que le chemin sera long et qu'il ne faut pas s'attarder.
De chemin, d'ailleurs, il n'y en a plus au bord de la rivière et pour traverser les fourrés ils ne regrettent pas d'être protégés par la bure, dont ils ont seulement rejeté en arrière le capuchon pour mieux voir autour d'eux. Parfois l'autre rive paraît plus hospitalière. Si l'eau n'est pas trop profonde, ils traversent alors, tenant frocs et sandales au sec au-dessus de leurs têtes, mais sans s'attarder car le soleil ne traverse pas les feuillages et ils n'ont plus trop chaud. L'important est de ne pas s'éloigner de la rivière qui doit les conduire à l'ogre.
- Tu sais comment on va faire ? a demandé Morgane.
- On verra bien, a répondu Kévin.
Et ils n'en ont plus parlé, n'échangeant plus que des sourires quand ils s'entraident dans les passages difficiles. Le voyage se poursuit du reste sans autre incident que parfois une biche qui vient boire avec son faon, un raton laveur ou une loutre qui plonge.
Enfin, alors que le jour baisse, voici dans une clairière la cabane de charbonniers. Personne dedans ni à l'entour : ils vont pouvoir y dormir. La source est là, pour se désaltérer, les galettes apaisent leur faim et ils se couchent, côte à côte, dans leurs frocs qui les protègent de la fraîcheur de la nuit, se tenant par la main pour se rassurer. Parce que tout de même, l'obscurité de plus en plus épaisse, ça fait un peu peur, et on n'a pas eu les bisous de Papa et Maman pour s'endormir tranquilles. Alors on en échange deux pour remplacer, et on se serre un peu l'un contre l'autre. Et comme la journée a été fatigante, sitôt les yeux fermés on s'enfonce dans un sommeil sans rêves.
C'est le chant des oiseaux qui les réveille. Ils sortent en s'étirant, faisant fuir un renard qui passait par là. Un peu d'eau de la source qu'on s'amuse à boire chacun dans le creux des mains de l'autre, une galette, un brin de toilette dans la rivière et il n'y a plus qu'à repartir dans le sous-bois qui, de plus en plus, monte parmi les rochers. Au-dessus du torrent dont l'eau claire et vive les désaltère quand ils ont soif, le soleil qui perce les feuillages est de plus en plus haut. Lorsqu'il est au zénith, les enfants se reposent un moment et mangent leur dernière galette avant de reprendre leur marche difficile. Deux heures, peut-être trois. Au loin un grondement continu : la cascade sans doute. Mais aussi, émergeant de temps à autre de sa monotonie, des cris d'enfants qui jouent.
- Tu crois que ce sont les filles de l'ogre ? demande Kévin.
- Ben … À cet endroit … Ce serait bien de leur parler si leur père est pas avec elles.
- Oui. Mais il faut y aller en faisant attention. On sait pas comment elles vont réagir ! Qu'est-ce que tu en penses : avec ou sans le froc ?
- On s'approche avec : on sait pas si elles sont seules.
- Si l'ogre y est, il faut pas qu'il nous voie !
- Non, mais de toutes façons ses filles, ça va quand même les étonner de nous voir arriver, et encore plus si on est tout nus ! Elles vont pas rester sans rien dire ! Alors on s'approche habillés en essayant de pas se faire remarquer et on verra bien après, conclut Morgane.
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