
- Mais bien sûr, au contraire ! a répondu Papa, quand on lui en a parlé, le soir, à son retour de la ville. Nous serions très heureux de faire leur connaissance.
- À franchement parler, j'avouerai même que j'aime mieux ça. Comme vous avez l'air de vouloir aller beaucoup chez ces gens-là, j'aime mieux les connaître, a ajouté Maman.
On a donc décidé qu'on leur proposerait de venir passer la soirée le lendemain.
- Je suis sûre qu'ils vont vous plaire, a affirmé Isy.
Elle ne se trompait pas.
La journée du lendemain s'est passée à peu près comme la précédente : le matin, pour faire plaisir à Maman, Isy est restée un moment étalée au soleil à côté d'elle, tandis que je traînais au lit avec un bouquin. Puis on a fait un peu de canoë à deux et un peu de natation à trois, avec Maman. Pour se baigner Isy avait remis son maillot. L'après-midi, on a repris le canoë pour aller retrouver Ily. Mais cette fois on a mis des tee-shirts de couleur. Et tout en écoutant de la musique, on a joué au scrabble.
On était bien ensemble.
Et le soir, après le dîner, Le Zodiac a abordé sur notre plage. Pendant que les parents se faisaient des politesses, sur la terrasse discrètement éclairée par des photophores, Isy et moi on a pris des bougies pour montrer notre chambre à Ily. J'étais déjà prêt à y rester. Bien qu'on ait déjà passé l'après-midi dans celle d'Ily, à moi la fenêtre ouverte sur le lac suffisait comme aération. Mais Iz a remarqué :
- Ily n'a que la nuit pour prendre l'air, on ne va pas le retenir à l'intérieur !
- Tu es gentille, a-t-il répondu. Et puis, ce serait peut-être poli de rester un peu avec vos parents, pour faire connaissance.
Ce soir-là, nous avons appris sur lui et sa mère tout ce que nous n'avions pas songé à leur demander.
Nous, on les prenait comme ils étaient au présent, et leur passé ne nous préoccupait pas. Enfin ... Moi, en tout cas. Mais à voir comment Iz suivait la conversation, j'ai peut-être tort de dire nous. C'est vrai qu'elle est toujours tellement curieuse ! Peut-être que, si elle n'avait rien demandé jusque là, c'était par timidité. Ou par discrétion, car tout en étant très simple et naturelle, il était évident qu'elle manifestait, à l'égard d'Ily, une délicatesse que je ne lui connaissais pas.
Mais Maman sait très bien amener les gens à parler d'eux sans avoir l'air de les questionner. Et Nadia avait certainement très bien compris son envie d'en savoir davantage. Elle raconta donc qu'elle était roumaine et réfugiée politique. Elle avait fui la police du dictateur Ceaucescu avec le père d'Ily alors qu'elle était enceinte. Ils avaient choisi la France parce qu'elle aimait beaucoup la langue et la littérature française, qu'elle étudiait à l'université. Mais il avait été tué pendant leur fuite, et elle s'était donc retrouvée seule avec son fils, qui était né en France. D'autres réfugiés l'avaient aidée au début, elle avait ensuite pu trouver des travaux de traduction. Puis elle s'était mise à écrire des romans et, par chance, disait-elle, ils avaient eu assez de succès pour qu'elle puisse en vivre et s'installer dans ce chalet, à l'abri du soleil. L'isolement ne les avait pas gênés jusque là, puisque, de toutes façons, Ily ne pouvait pas aller à l'école. Simplement, elle commençait à s'en inquiéter pour lui maintenant qu'il grandissait, et elle trouvait que notre rencontre avait été providentielle.
- C'est la première fois que j'ai des amis, intervint Ily. Je ne sais peut-être pas bien comment m'y prendre. Mais ils sont assez gentils pour me supporter. Ils m'aident vraiment beaucoup. C'est comme si j'avais une sœur et un petit frère.
- Si c'était ta sœur, Isy serait beaucoup moins gentille avec toi et vous vous disputeriez, comme nous, fis-je remarquer, parce que je n'avais pas envie de m'attendrir.
- Vous vous disputez ? Mais je ne vous ai jamais vus vous disputer ! Je ne sais pas, on sent tellement de ... tendresse entre vous !
Bon ! J'aurais mieux fait de me taire. Isy vint à mon secours.
- C'est vrai qu'on ne se dispute plus ces temps-ci ! T'es pas malade au moins, mon Riri ?
- Non, ma chère Isolde, mais je crois que ce jeune homme a une influence détestable sur nos relations ... On va se baigner Ily ? ai-je enchaîné pour changer de sujet. Euh … Ça ne te gêne pas que je fasse comme chez moi ?
Je me suis déshabillé en trois secondes et j’ai couru nu vers le lac. Quand je me suis retourné, Iz et Ily me suivaient plus lentement en maillot. Puis, Iz a disparu dans l’eau quelques secondes et quand elle est ressortie elle a jeté le sien sur la berge en disant, avant de replonger très vite :
- Tu avais raison Ily : la carapace, c’est trop dommage !
Ily l’a imitée sans autre commentaire et il a plongé à son tour. Bien qu'elle lui soit interdite de jour, il se trouvait manifestement aussi à l'aise que nous dans l’eau. Plus peut-être, car nous y étions peu accoutumés de nuit.
Des maillots, il n’a plus été question ce soir-là, sauf quand, au moment de nous coucher, j’ai dit à Iz :
- Dis donc, ma grande, tu sais que m’as étonné tout à l’heure !
Elle m’a répondu, en éteignant tout de même la lumière avant de se déshabiller :
- C’est Ily qui a raison et j’ai pas le droit de gâcher sa revanche. Et puis j’ai décidé de ne plus tricher : tu te souviens ? Tant pis pour mes bourrelets !
Je lui ai dit qu’en fait elle y gagnait parce que ses bourrelets, sans maillot on ne les voyait presque plus. Elle n’a pas répondu.
Peut-être aussi qu’au clair de lune c’était plus facile qu’au soleil. Il fallut quelques soirées sans maillot comme celle-là, pour qu'elle se décide à ne plus en mettre quand nous nous baignions ensemble le matin. Encore était-ce le seul moment de la journée où elle admettait d'être nue.
Tout étant pour le mieux entre nos parents, à partir de cette soirée les échanges entre les deux rives du lac prirent un rythme de croisière, tandis que nos relations avec Ily nous devenaient de plus en plus indispensables à mesure que nous nous découvrions.
Privé des activités de plein air et des camarades de jeu, avec lesquels nous avions grandi, il avait compensé par un maximum de gymnastique en chambre, de natation les nuits d'été et de lecture. C'était incroyable tout ce qu'il avait lu. Il pouvait réciter des tas de poèmes et parler des personnages de ses livres comme si c'étaient des amis. Avec lui, nous découvrions des choses que nous n'avions jamais imaginées. Il adorait particulièrement Cyrano de Bergerac.
- Le physique, ça ne compte pas, disait-il.
- Facile à dire quand on est beau, répondait Isy. D'ailleurs Roxane, c'est bien de Christian qu'elle était amoureuse, et quoi qu'elle en dise à Cyrano quand il va mourir, si elle avait su la vérité plus tôt, c'est pas du tout sûr qu'elle l'aurait aimé.
- On ne sait pas, c'est vrai. Mais pourquoi parles-tu toujours comme si tu étais laide ? Tu es très loin de l’être ! Tu te laisses empoisonner par quelques détails pas importants et qui, d'ailleurs, ne vont pas durer, et tu crois que ça ne se voit pas comme tu es belle à l'intérieur ?
Qu'Isy et lui étaient amoureux, c'était de plus en plus évident. J'aurais donc pu me sentir de trop entre eux, je m'y étais attendu avec un peu d'inquiétude. Pourtant, à mon étonnement, ce n'était pas le cas. Ils ne se lassaient pas d'être ensemble, mais ils paraissaient n'avoir aucune envie d'être seuls, en tête à tête. Ils semblaient plutôt ressentir ma présence, qui les retenait d'exprimer complètement leurs sentiments, comme une sauvegarde.
Moi, ça m'arrangeait bien. J'avais gagné un frère sans perdre ma sœur. Au contraire : si les premiers jours j’avais bien senti qu’elle se forçait à se baigner nue d’abord même le matin, puis à ne pas se réfugier tout de suite sous son tee-shirt en sortant de l’eau, ses efforts avaient bientôt été récompensés et je la retrouvais comme autrefois, autant que moi libre et à l’aise dans son corps. Et cette liberté partagée, la réflexion que cette évolution m’avait inspirée m’en avait fait mieux sentir le prix. Que demander de plus ?
Du coup j'oubliais de la taquiner sur ce sujet, et elle de s'en étonner. Je crois que, tous les trois, nous éprouvions au fond de nous la certitude de nous comprendre parfaitement, d'être parfaitement au clair avec nos sentiments réciproques, et que cela nous rendait parfaitement heureux. Mais en même temps, nous sentions que cet équilibre était miraculeux, et qu'en parler aurait pu suffire à le rompre.
Je ne sais pas si nos parents devinaient tout cela ou si, simplement satisfaits de nous voir heureux ensemble ils ne se posaient pas de questions, en tout cas ils ne faisaient non plus aucune remarque qui puisse nous mettre mal à l'aise. Juste, il y avait quelque chose comme un peu plus de complicité entre Maman et Isy. Et quand, le matin, elles restaient un moment côte à côte à se dorer au soleil, il me semble que Maman avait des gestes plus tendres pour l'enduire de crème solaire.
Je pensais à tout cela, une nuit où, contrairement à mes habitudes, je m'étais réveillé en sursaut au milieu d'un rêve bizarre. Il faisait une chaleur moite et je ne parvenais pas à retrouver le sommeil.
Dans mon rêve, nous étions tous les trois en train de jouer dans l'eau au clair de lune et Ily avait soulevé Iz dans ses bras quand soudain, au lieu de la jeter à l'eau, il se penchait sur elle et l'embrassait dans le cou. Alors Iz se serrait tendrement contre lui et je voyais leurs silhouettes confondues se découper sur la pleine lune. Puis elles devenaient toutes petites et prenaient la forme de deux chauves-souris qui s'envolaient ensemble.
Ajoutée à son allergie à la lumière du soleil et à sa passion des chiroptères, était-ce cette bizarre histoire d'ail que Papa nous avait racontée au dîner, qui m'avait fait rêver Ily en vampire ? La porte d'un entrepôt de l'hypermarché où Papa travaillait avait été fracturée l'autre nuit et, chose incroyable, on n'avait rien volé d'autre que ... deux cents kilos d'ail. Et Papa avait conclu en riant :
- Vous vous rendez compte ? Deux cents kilos d'ail ! On n'a pourtant pas entendu parler d'une invasion de vampires dans la région !
Pour me débarrasser de ce rêve idiot, je m'étais levé sans bruit et j'étais allé m'asseoir un moment sur la terrasse avec un verre d'eau fraîche, pensant à cette harmonie que j'avais ressentie si fortement entre nous, l'après-midi précédente. Le lac brillait au clair de lune, tentant par cette chaleur.
La baignade fut un délice, et je regagnais la grève quand j’aperçus Isy, venant vers moi dans son grand tee-shirt de nuit.
- Tu te baignais ?
- Comme tu vois ! Ça ne te tente pas ?
- Si !
Nous nagions ensemble depuis quelques minutes quand j’aperçus soudain, sur le lac, une barque qui s'approchait lentement sans autre bruit que celui, léger et cadencé d'une paire d'avirons manœuvrés par un homme seul. Je la montrai à Isy et, soucieux de ne pas être vus, nous nous immobilisâmes aussitôt, nos têtes seules sortant de l’eau.
La barque se dirigeait vers la crique de nos amis, où elle disparut. Nous en profitâmes pour regagner le rivage et la terrasse, mais à peine avions-nous commencé à nous sécher en nous demandant quelle sorte de visite ils pouvaient bien recevoir à une heure pareille, qu'elle reparut, avec son unique occupant.
Nous attendîmes sans bouger qu’elle eût définitivement disparu pour échanger à voix basse nos impressions en finissant de nous sécher.
Isy pensait qu'il ne devait pas y avoir lieu de s'inquiéter de l’étrange visiteur, puisqu'il était ressorti de la crique aussitôt entré. Sans doute un promeneur curieux !
- Je dirais "curieux", en effet, mais pas dans le même sens, ai-je remarqué. Moi, si je voulais me promener seul la nuit sur le lac - ça pourquoi pas -, je prendrais plutôt un kayak
- Qu'est-ce que tu crois, alors ? Qu'il venait jeter un cadavre ? Réfléchis ! Il l'aurait jeté au milieu du lac, là où c'est profond, pas dans une crique où on le retrouverait tout de suite ! Tu as trop d'imagination !
- Moi ? Eh ! C'est pas moi qui parle de cadavre !
- Bon ! Écoute, on en reparlera demain, parce que si on continue à discuter on va finir par réveiller les parents. Rentrons nous coucher et tâchons de dormir.
J’ai donc décidé d’attendre le lendemain pour lui raconter mon rêve et je me suis rendormi plus facilement que je n’aurais cru.
C’est pendant notre habituelle séance de canoë, que j'en ai reparlé à Isy. Au récit de mon rêve, elle est restée silencieuse quelques instants mais comme, cette fois-là justement, c'est elle qui était devant, je ne pouvais pas voir son visage. Puis elle a seulement dit :
- C'est drôle, les rêves ... Tu ne vas pas lui en parler au moins !
- À cause du baiser ou des...
- Non ! a-t-elle coupé en se retournant pour me regarder par dessus son épaule. Parce que lui rappeler son handicap en le transformant en vampire, ce serait ...
- De mauvais goût ? D'accord. Tu sais, je n'y suis pour rien. On choisit pas ses rêves. Mais c'est promis, je ne lui en parlerai pas. D'ailleurs, j'en avais pas l'intention. Mais le visiteur de cette nuit, on devrait peut-être, parce que quand même je trouve que c'est bizarre. Et je me rappelle que Nadia a mis des alarmes pour se protéger ... elle a dit des intrusions ... Et c'est une réfugiée politique !
- D'accord, mais il y a eu une révolution en Roumanie, depuis. Nadia a choisi de rester en France, mais elle aurait pu y retourner, elle n'a plus rien à craindre !
- Alors pourquoi elle a mis des alarmes ?
- Pour les cambrioleurs, c'est tout ! Surtout qu'avec un fils handicapé, elle éprouve le besoin de se protéger plus que les autres ! Alors, si tu lui parles de ce bonhomme, elle va s'inquiéter pour rien !
- Et si c'était pour quelque chose ? Il y a peut-être une menace ! C'est pas parce qu'on sait pas laquelle qu'il n'y en a pas ! Écoute, on peut toujours en parler à Ily, comme ça, sans insister. On verra bien ce qu'il en pensera !
Et l'après-midi, j'ai raconté à notre ami ce que nous avions vu alors que nous étions sortis pour nous baigner parce que la chaleur nous empêchait de dormir.
- Ne parle pas de ça à ma mère ! dit-il aussitôt. Elle n'en dormirait pas la nuit prochaine ! Tu sais, ça remonte sûrement à l'époque où elle avait peur que les espions de Ceaucescu la retrouvent, elle est restée comme ça. Un peu parano, quoi.
- Ily ! Comment peux-tu dire ça de ta mère ! protesta Isy.
- J'adore ma mère, tu le sais bien ! La vie, c'est pas une fois qu'elle me l'a donnée, c'est tous les jours. Et elle est vraiment formidable ! Mais c'est pas l'injurier de dire qu'elle est un peu parano. Elle voit toujours des menaces partout !
- Pour toi ! C'est pour toi qu'elle a toujours peur ! Moi aussi ... à sa place !
- Tu as encore raison, répliqua-t-il avec tendresse. Mais ne lui disons rien. Ce visiteur n'a fait que passer, il est reparti sans nous faire aucun mal. Et si c'était pour préparer un mauvais coup qu'il était venu, il aurait pris son temps pour observer et reconnaître les lieux : personne ne l'en empêchait. Donc, je penche pour le simple curieux, qui a voulu jeter un coup d'œil discret sans oser s'attarder.
Et le soir, Ily et Nadia sont encore venus passer la soirée chez nous. Comme d'ordinaire, il faisait chaud, et nous sommes restés longtemps dans l'eau, qui nous était désormais aussi familière au clair de lune qu'au soleil.
On était si bien ensemble lorsque Nadia a sonné le départ, j'ai lancé, un peu étourdiment, il faut bien le dire :
- Ce serait bien qu'Ily puisse dormir ici avec nous !
- Tu sais bien que ce n'est pas possible ! a-t-il répondu. Il fera jour ici, demain matin. Mais si nos parents sont d'accord, vous, vous pourriez venir dormir chez nous.
- En ce qui me concerne, c'est très volontiers, dit Nadia. La chambre d'Ily est assez grande et nous avons des fauteuils transformables. Ou si vous préférez, Isy peut dormir avec moi, ce serait peut-être plus convenable.
- Oh ! Maman, Papa, dites oui ! Je vous en supplie ! s'écria Isy en joignant les mains.
Après s'être consultés du regard, Papa et Maman ont accepté, et on les a couverts de baisers pour les remercier. Mais Iz a tout de même ajouté :
- Je ferai comme vous voudrez, mais ce ne serait pas inconvenant qu'on dorme dans la même chambre, puisqu'il y a Had ! Et rester ensemble tous les trois, c'est ça qui est sympa ! Je t'aime beaucoup, Nadia, mais ... Tu me comprends !
- Fais comme tu veux, ma chérie, répondit Papa.
Le temps de mettre nos affaires de toilette et de nuit dans un sac, et nous embarquions dans le Zodiac. En débarquant sur l'autre rive, Ily proposa :
- On se baigne encore un peu avant d'aller se coucher ?
- Si vous allez sur l'appontement, faites attention ! Je n'ai pas encore changé les deux planches pourries, nous rappela Nadia.
- Ça va, on les a repérées, répondis-je.
Nous nous étions déjà baignés dans cette crique plusieurs fois - et la veille au soir encore - il faisait chaud et nous n'avions pas sommeil. Nous n'avons donc pas tardé à courir sur l'appontement, en prenant garde d'enjamber les planches en question, pour plonger, comme d'habitude. La profondeur était juste suffisante pour le permettre sans danger.
En sortant la tête de l'eau, où j'avais sauté le premier, j'ai entendu Ily dire :
- Tu ne trouves pas qu'il y a une drôle d'odeur ici, ce soir ?
- Je ne sens rien, a répondu ma sœur.
- Elle a plongé à son tour, et Ily l'a suivie, tandis que, reniflant l'air autour de moi, je m'avisais qu'en effet il y flottait une odeur inhabituelle.
Nous ressortions de l'eau et remontions sur l'appontement pour plonger à nouveau quand Ily s'arrêta soudain.
- Je ... Excusez-moi, je ne me sens pas bien !
Il s'assit sur les planches. Déjà Isy se penchait sur lui :
- Mais qu'est-ce que tu as ? Mais attends, tu as des plaques partout, tu enfles ! Nadia ! Au secours !
Nadia, qui revenait vers nous après avoir rentré son sac, se précipita :
- Un choc allergique ! Je ne sais pas d'où ça peut venir mais je vais préparer une piqûre. Heureusement, j'ai toujours ce qu'il faut à la maison.
- L'eau ... Elle a une drôle d'odeur ! articula Ily, qui respirait difficilement.
- L'eau serait polluée ? Aidez-le à se mettre sous la douche pour se rincer, à tout hasard, cria Nadia en courant vers le chalet.
Quelques minutes plus tard, sous les effets conjugués de la piqûre et de la douche, l'alerte semblait passée. Ily grelottait dans une couverture, mais il avait désenflé, les plaques disparaissaient peu à peu et il respirait normalement.
Il y a tant de choses auxquelles il est allergique ! expliquait Nadia. J'ai toujours un antihistaminique injectable avec moi. Même quand nous venons chez vous, je l'ai dans mon sac. Heureusement c'est efficace, et son cœur est solide. Qu'est-ce que c'est cette fois ? Je me demande ! On dirait que ça vient de l'eau, mais pourtant il s'était baigné chez vous et tout allait bien ! Il faudrait que ce soit seulement dans cette crique ? C'est vrai qu'elle est assez fermée et que l'eau ne s'y renouvelle peut-être pas beaucoup. Mais hier encore il s'y était baigné ! Qu'est-ce qu'il peut y avoir de nouveau depuis hier ? Vous, vous n'avez pas été incommodés ?
- Non, dit Isy.
- Non, mais il y avait cette odeur, dis-je.
Et tout à coup une idée me traversa l'esprit.
- Vous avez une lampe de poche ? Je voudrais aller voir quelque chose, du côté de l'appontement.
- Qu'est-ce que tu penses trouver ? demanda Nadia en me donnant une torche.
- Je ne sais pas, je ne suis pas sûr mais ... Isy va te raconter ce que j'ai vu.
- Tu crois ? ... hésitait-elle.
- Qu'est-ce qui est arrivé ici depuis hier ? insistai-je.
- Dis-lui, Iz, intervint Ily, qui parlait encore un peu difficilement.
Je me dirigeai vers l'appontement et m'y allongeai, pour en explorer le dessous du faisceau de ma torche. Je ne tardai pas à trouver ce que je cherchais. Plusieurs cartons y étaient dissimulés. Ils s'étaient éventrés dans l'eau, libérant leur contenu : des têtes d'ail tressées en épis. Il devait bien y en avoir deux cents kilos.
"On n'a pourtant pas entendu parler d'une invasion de vampires dans la région !" avait dit Papa. Mais Ily venait de Roumanie, le pays de Dracula, il ne supportait pas la lumière du soleil, et il était allergique à l'ail.
Et quelqu'un le savait.
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