dimanche 7 septembre 2008

Sandy l'année d'après 7

Le soir tout le monde s'est retrouvé à l'Eden Roc pour l'accueil des nouveaux. Les parents s'étaient renseignés et tout le monde était habillé. D'ailleurs il faisait plutôt frais. Mais Gaby, la patronne du centre, et Jean-Michel, qui avait l'air d'être son adjoint, étaient quand même nus. Claude a trouvé que c'était bien qu'ils donnent l'exemple, mais elle a dit qu'avec cette température elle n'en aurait pas fait autant.

D'ailleurs les autres, les animateurs qu'ils nous ont présentés étaient habillés.

Kévin et Anna étaient montés aussi avec le père d'Anna. Sa mère était restée en bas avec Bogdan. On a décidé que le lundi matin on irait tous les sept à l'atelier de poterie. C'était pour les enfants de huit à treize ans et même Malaurie, qui avait l'air d'être a plus grande, n'en avait pas encore douze en réalité. Pour Bogdan, qui n'avait que sept ans, il y avait le mini-club.


On a dormi comme Hélène avait dit : elle et Claude ensemble dans le grand lit, Manon et moi dans les petits. Vers le matin (on voyait déjà le jour derrière le rideau) je me suis réveillée parce que j'avais froid. Je me suis recouverte et j'ai aussi recouvert Manon, qui dormait en boule au pied de son lit. Elle a un peu grogné et elle s'est recouchée normalement. J'ai trouvé qu'elle avait l'air d'un bébé. C'est drôle, je me sentais comme une grande à côté d'elle alors qu'on a le même âge. Je lui ai fait une bise tout doucement, comme Papa et Maman me font des fois, quand ils se couchent tard et qu'ils viennent voir dans ma chambre si je dors, et que je fais semblant. Mais le matin elle ne se rappelait pas.


La semaine s'est passée comme ça. Le matin la poterie, puis un peu à la piscine, l'après-midi à la rivière ou au tir à l'arc. Là c'était Jean-Michel qui nous apprenait. Il est trop gentil. Puis encore un peu de piscine avant de dîner. On a exploré le parcours de santé aussi. En partant de la piscine et en suivant des petits chemins et des sentiers encore plus étroits que Léo se rappelait, et en s'arrêtant quelquefois pour s'accrocher à une barre ou pour marcher sur une poutre, une fois on est remontés jusqu'à la route un peu au-dessus des sanitaires de Pinson, et une autre fois on est descendus jusqu'à la plage de Fauvette. La rivière est plus large et moins profonde qu'à celle de Mésange, où on allait d'habitude. Le soir quelquefois on allait à l'Eden Roc, pour le cinéma ou le baby-foot, ou alors on jouait au monopoly dans un mobil home pendant que les parents jouaient aux cartes dans l'autre.


Celui de Chloé et Malaurie n'était pas juste à côté du nôtre mais presque. Entre les deux il y avait un emplacement avec une caravane et une cabane en bois comme celle que Papa a montée dans le jardin de Mamie.

- Tu as pas remarqué ce matin quand on est descendus à Fauvette, à un endroit il y en a une pareille que ça mais il n'y a pas de caravane à côté, m'a dit Léo

- Les gens doivent être en voyage ailleurs pour l'instant, a dit Hélène.

Elle nous a expliqué qu'à côté c'étaient des gens qui louaient l'emplacement à l'année et qui y laissaient leur caravane, et que pour avoir plus de place ils avaient ajouté la cabane. Et que sûrement les autres c'était pareil.

Léo a dit :

- C'est sympa. On aurait ça on pourrait y dormir tous les trois !

Il me faisait de plus en plus souvent des petits câlins. À la rivière quelquefois, quand on se reposait un peu, il s'allongeait sur le dos avec la tête sur mon ventre et je lui caressais les cheveux. Anna se mettait toujours à côté de Kévin, mais il ne s'occupait pas d'elle.

Le mercredi après-midi, à un moment, on était assis comme ça et on bavardait. Lui, il avait l'air de rêver en caressant la bague qu'il portait en pendentif et tout d'un coup il s'est redressé et il a dit :

- Je crois que ça y est ! Le petit frère de Morgane est né !

- Et comment tu sais ça, toi ? a demandé Léo.

Kévin a souri et il a répondu :

- C'est comme ça. Quand il lui arrive quelque chose, qu'elle est très heureuse ou le contraire ou une grosse peur, comme le jour où ils ont eu un accident de voiture, je le sais. Enfin, je sais pas exactement quoi mais je sais qu'elle a eu une grosse émotion. Et elle c'est pareil pour moi. Je vous ai dit qu'on est nés le même jour. On peut aussi faire les mêmes rêves et … d'autres choses encore mais vous me croiriez pas.

- Même rien que ça … a dit Anna. Morgane, moi je la connais pas mais dès que tu parles d'elle tu dis n'importe quoi alors …

- Vous verrez bien ! a dit Kévin. Et on a parlé d'autre chose. Mais le lendemain quand on a retrouvé Kévin à l'atelier de poterie il nous a dit, pendant qu'Anna était allée faire pipi :

- Mes parents m'ont téléphoné hier soir, sur le téléphone du père d'Anna. Ils confirment qu'ils arriveront samedi soir avec Morgane et … que son petit frère est né hier après-midi ! Il s'appelle Gautier. Et le vendredi d'après ses parents passeront ici avec lui pour nous prendre, Morgane et moi, et nous emmener à Marseillan.

- Ben dis donc ! a dit Chloé. Qu'est-ce qu'elle compte pour toi, cette Morgane ! J'aimerais bien compter comme ça pour quelqu'un, moi. Malaurie a Jérémy, Sandy a Léo, moi j'ai personne.

- Moi non plus ! a dit Manon.

J'ai dit :

- Même pas Alex ?

Elle a ri et elle a répondu :

- Ça compte pas ! On s'est juste fait une bise en se quittant et on va plus se voir de toute l'année.

Malaurie a dit :

- Et toi, Chloé, si tu voulais j'en connais qui …

- Je sais, a dit Chloé. Mais j'ai pas envie. En fait j'en ai jamais trouvé un avec qui j'aurais envie de sortir. Sauf quand j'avais huit ans, mais on a déménagé alors … Dommage : il était craquant.

- Si tu avais pas déménagé on se connaîtrait pas et … tout ce qui s'ensuit, a dit Malaurie.

- C'est vrai, tu as raison. Alors je regrette rien !

Et elle lui a fait une bise.


Ce soir-là, quand Claude et Hélène ont été couchées, Manon m'a dit :

- Tout à l'heure Léo m'a demandé s'il pourrait pas dormir à ma place. Ça te ferait plaisir ?

C'était vraiment une surprise. Bien sûr à La Motte on dormait avec mes cousins mais là, seule avec Léo tout près, ce n'était vraiment pas pareil. Je ne savais pas quoi répondre.

Elle a repris :

- Ça te ferait plaisir ou non ?

Bien sûr que j'en avais envie. Elle est allée se coucher à la place de Léo et Léo m'a rejointe dans la petite chambre. On s'est fait un bisou câlin et on s'est endormis en se tenant la main. Enfin … j'ai mis un peu de temps à m'endormir parce que mon cœur battait trop fort. Je crois que Léo aussi.

Je me suis encore réveillée de bonne heure à cause du froid et j'ai pensé que peut-être Claude et Hélène ne seraient pas d'accord pour que Léo dorme avec moi. Alors je l'ai réveillé en lui faisant un bisou sur l'épaule. Il s'est réveillé tout de suite. Je lui ai dit ce que je pensais et on a été réveiller Manon pour qu'elle revienne dormir avec moi. Elle, ça a été plus dur. Puis on s'est rendormis.

Mais au matin Claude a dit :

- Dites donc, qu'est-ce que c'est que ces manèges ? Je suis allée aux toilettes cette nuit et j'ai bien vu qui dormait dans le salon ! Tu crois que tes parents seraient d'accord, Sandy, pour que tu dormes avec ton petit copain ?

Je ne savais pas quoi dire et je me sentais toute rouge. Mais Léo a dit :

- C'est moi qui leur ai demandé. On fait rien de mal !

Et Hélène a dit :

- C'est vrai qu'à leur âge …

- D'accord, a insisté Claude. Mais Sandy est sous ma responsabilité et je ne suis pas sûre que ses parents seraient d'accord. Alors ça va pour cette fois, mais à moins qu'ils le permettent, vous ne recommencez pas. Tu leur demanderas si tu veux, Sandy. D'ailleurs pourquoi étiez-vous chacun dans son lit ce matin si vous aviez la conscience tranquille ?

J'ai dit :

- Hier soir j'ai dit oui sans réfléchir parce que ça me faisait plaisir et ce matin c'est moi qui ai pensé que vous ne seriez pas d'accord. Quand mes parents m'appelleront je leur dirai.

Ça, ce n'était pas vraiment facile, mais il fallait bien, pour prouver qu'on ne faisait rien de mal.

Le soir ils ne m'avaient pas encore appelée, alors sans en avoir reparlé on a dormi comme d'habitude. D'ailleurs, ce n'est pas parce que je suis amoureuse de Léo que j'aime moins Manon, et on aime bien aussi se retrouver un peu seules toutes les deux pour bavarder à voix basse dans l'obscurité, avant de s'endormir.

Le lendemain ils m'ont appelée pour prendre des nouvelles, alors j'ai demandé, comme ça, dans la conversation, en faisant semblant que c'était pas important :

- Ça fait rien si des fois c'est Léo qui dort dans le lit à côté du mien, à la place de Manon ?

Il s'est passé trois secondes, puis ils ont dit :

- Non, ça fait rien. Si ça vous fait plaisir … et si Hélène est d'accord …

Après ça a été tantôt l'un tantôt l'autre. En fait c'est Léo et Manon qui s'arrangeaient entre eux.


Et puis le samedi après-midi, alors qu'on était à la rivière, Kévin a dit :

- Ça y est, ils arrivent. Là ils sont à l'accueil, dans cinq minutes ils seront à la tente : je vais les attendre.

Anna a levé les yeux au ciel et elle a dit :

- N'importe quoi ! Ils ont dit ce soir, tu te rappelles pas ? Tu veux passer l'après-midi à les attendre devant la tente ?

Mais elle l'a suivi quand même. Et dix minutes après ils revenaient avec Morgane.


Kévin la tenait par la main et je ne sais pas comment dire … Un garçon et une fille qui se tiennent par la main, j'en ai vu souvent, mais eux … C'était comme s'il y avait eu une lumière autour d'eux, comme s'ils n'avaient pas existé autrement. En les voyant arriver j'ai dit à Léo :

- Tu as vu ?

Il a juste dit :

- Oui.

Et il m'a prise par la main, lui aussi.


Kévin a fait les présentations et Morgane a fait la bise à tout le monde.

Je me suis rappelé ce que Kévin avait dit : que la première fois qu'il l'avait vue il avait trouvé qu'elle ressemblait à la fée Clochette mais qu'elle avait changé depuis. De la fée Clochette, elle avait toujours la queue de cheval blonde, mais plus longue. Et elle avait dû grandir un peu aussi : sans être maigre, elle était nettement plus mince que la petite fée. Franchement, je trouve que nous toutes, on était plutôt pas mal, mais elle, c'était vraiment la plus belle fille de notre âge que j'aie jamais vue. Je crois qu'on était tous sous le charme.

Puis Anna l'a prise par la main et l'a entraînée en lui disant :

- Tu viens te baigner ? Regarde : on peut sauter depuis les rochers là-haut, c'est génial !

Elle qui n'avait jamais osé !

Mais cette fois, quand elle s'est retrouvée en haut, Morgane derrière elle et Kévin les suivant, elle a sauté sans hésiter. Comme elle était en train de nager pour s'éloigner de là où on tombe, elle n'a pas pu voir Kévin et Morgane qui se prenaient par les deux mains, se faisaient un petit bisou sur la bouche et sautaient ensemble sans se lâcher.

Puis, tout l'après-midi, elle n'a pas arrêté de s'occuper de Morgane, comme si elle voulait se l'approprier. Morgane se laissait faire avec le sourire. À un moment où Anna avait dû s'éloigner pour s'occuper de Bogdan qui l'appelait, je l'ai entendue dire à Kévin :

- Elle est gentille, ta copine.

Et Kévin a répondu :

- Ça me fait plaisir que vous vous entendiez bien. J'avais un peu peur … Tu verras, elle est un peu collante, pas trop fute fute, mais gentille.

Alors Morgane a dit :

- C'est parce qu'elle est amoureuse de toi. C'est pas sa faute, on peut pas lui en vouloir.

- Tu crois ? a dit Kévin.

- Tu le savais pas ? a répondu Morgane en lui souriant.

- Ben … un peu quand même, a avoué Kévin en souriant à son tour.

Je n'ai pas pu m'empêcher de demander :

- Et tu n'es pas jalouse ?

Elle m'a juste souri en reprenant la main de Kévin.

À part le bisou sur les rochers avant de sauter la première fois, il n'y avait pas de gestes câlins entre eux, comme on en avait souvent, Léo et moi. Juste, ils se prenaient tout le temps par les mains pour se regarder.


Sinon, tout a continué comme d'habitude, sauf qu'il y avait Morgane en plus, qu'Anna cherchait toujours à l'accaparer et qu'elle se laissait faire en souriant. Kévin et elle, il leur suffisait de se regarder de temps en temps et de se toucher à peine la main en passant pour que ce soit évident que rien ni personne ne pouvait les séparer.


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