Avez-vous imaginé la suite ?
En tout cas voici comment je la vois, après réflexion.
- Dans une heure on vous appelle pour venir faire un peu de lecture. Vous n’aurez qu’à les mettre à ce moment-là, a dit Jeanne.
Et tandis que les enfants manifestaient bruyamment leur joie, elle a ajouté pour Patricia , en s’éloignant de la piscine :
- Qu’est-ce qu’on va leur dire ?
- Hé bien … Je ne sais pas moi… Qu’on a voulu leur faire une farce en jouant à « pas cap » comme eux et que finalement c’est eux qui nous ont attrapées. Que ça prouve bien que quand on joue « pas cap » même nous on peut faire des bêtises. Que bien sûr c’était pas grave pour une fois, mais que quand même, ça se fait pas de se baigner tout nu.
- Oui, bien sûr, a repris Jeanne, l’air pas vraiment convaincue. C’est ce qu’on leur a appris et ça ne leur posait pas de problème mais maintenant qu’on leur a fait faire le contraire, telle que je connais ma Marion elle va demander pourquoi.
- Comment ça ?
- Ben oui, pourquoi ça se fait pas ? Et bon, à la rigueur, pour les grands si je lui dis qu’il n’y a que les papas et les mamans qui ont le droit d’être tout nus ensemble parce que ce qui concerne leur sexe c’est un secret entre eux, ça va peut-être marcher, mais … On lui a toujours dit aussi que le sexe, ça ne concerne pas les enfants alors … En fait, avoue que quand on a commencé à leur mettre des maillots pour la piscine alors qu’on leur donnait encore leur bain ensemble, c’était parce que ça nous amusait de jouer à la poupée avec eux. Rappelle-toi : Marion je lui mettais un bikini ! Avec un soutien-gorge ! À trois ans !
- D’accord, mais leur bain ils ne le font plus ensemble !
- Depuis que ce n’est plus nous qui les lavons, mais ça s’est fait tout seul, on ne leur a jamais dit qu’il ne fallait plus.
- C’est vrai. On peut leur dire que c’est comme ça, un point c’est tout, ils obéiront mais … J’avoue que c’est un peu embêtant de ne pas savoir leur dire pourquoi. Écoute, on essaye de remettre l’explication jusqu’à ce qu’on ait trouvé la solution, d’accord ?
- Et en attendant ? Toi tu vas aller bosser, là, mais moi qui les aurai toute la journée, qu’est-ce que je leur dis ?
- Improvise ! Gagne du temps !
D’abord, ça se passe bien. Quand Jeanne appelle les enfants pour la lecture il se sèchent, mettent les maillots qui les attendent au bord de la piscine et rentrent sans rien dire. Rassasiés de baignade, ils jouent ensuite en maillot jusqu’au déjeuner et un peu après.
- On peut se baigner ? demande Marion vers deux heures et demie.
L’eau de la piscine est à 25 degrés et le repas était léger. Jeanne donne donc la permission avec un peu d’anxiété.
Mais les enfants plongent comme d’ordinaire, avec leurs maillots et Jeanne respire. Pas pour longtemps.
- Maman ! appelle Marion un quart d’heure plus tard.
- Oui ?
Dans la piscine, la fillette tire ostensiblement sur sa bretelle.
- Ça fait rien si on les enlève ?
Jeanne essaye d’éluder.
- Pourquoi ? Ils vous gênent ? C’est nouveau, ça !
- C’est pas ça, dit Marco, mais … Moi j’aimais bien ce matin.
- Écoute, dit Jeanne. Je crois que ta maman est pas trop d’accord, alors … on en reparlera plus tard si vous voulez mais en attendant j’aimerais mieux pas.
- Mais pourquoi ? proteste Marion.
- J’ai dit plus tard, o.k. ?
Les enfants n’insistent pas et Jeanne estime qu’elle s’en est bien tirée … pour l’instant, mais il va bien falloir s’expliquer. En parler d’abord tous les quatre, avec les papas, quand les petits seront couchés.
Mais là les avis sont partagés.
- Foutez leur la paix à ces gosses, dit le papa de Marco. Laissez les faire comme ils veulent, ils font rien de mal !
- Quand même Jean-Luc ! proteste Patricia, il faut bien qu’ils apprennent ce qui se fait et ce qui ne se fait pas !
- Ils ont bien le temps ! D’ailleurs ils savent bien qu’il y a des choses qu’on peut faire en famille et pas n’importe où !
- Comme le dimanche de rester toute la journée en pyjama et pas rasé, n’est-ce pas Laurent ? dit Jeanne en souriant à son mari.
- Bon, ça va ! avoue celui-ci. Mais moi je trouve quand même qu’une petite fille, si elle prend l’habitude de pas montrer sa foufoune aux garçons, c’est mieux !
- Pas n’importe quel garçon, plaide Jeanne. Quentin, ils ont été élevés ensemble, c’est comme si c’était son frère ! Crois-moi, elle fait très bien la différence !
- Et tu le trouvais trop pudique, dit Jean-Luc à sa femme. Faudrait savoir !
La discussion se poursuit quelque temps chacun restant sur ses positions et finalement Jeanne conclut.
- Bon ! C’est pas comme ça qu’on va savoir quoi leur dire ! Moi j’ai une idée. Leur maîtresse, qui a déclenché tout ça en me signalant leur jeu : elle m’a fait bonne impression à la réunion des parents. Elle comprend bien les enfants. J’ai envie de lui demander son avis.
- Et elle en a, elle, des enfants ? a demandé Laurent.
- Je crois, oui, mais des petits, a répondu Patricia. Elle est un peu plus jeune que nous, on dirait. Je veux dire Jeanne et moi.
- Ma foi, a dit Jean-Luc, lui demander son avis ne nous engage à rien et si elle inspire confiance à Jeanne …
C’est le lendemain après les classes que Jeanne lui a téléphoné. Elle lui a tout raconté, en détail, et elle lui a demandé ce qu’elle en pensait.
- D’abord, a répondu la maîtresse, il vaut mieux que cela reste entre nous : je ne veux pas avoir à en parler avec les enfants à l’école. Mais puisque vous me demandez mon avis … En fait si je vous réponds en deux mots, ça risque d’être un peu sommaire. Il faudrait peut-être que nous nous rencontrions … Ou bien … Attendez : je me souviens d’une histoire que j’ai trouvée sur internet et qui pourrait vous aider à y réfléchir. Si vous voulez je vous l’envoie en mail et on en parle après ?
- Vous êtes trop gentille, ça c’est une bonne idée.
- Ça me prendra peut-être quelques jours, le temps de la retrouver. J’ai votre adresse je crois.
- Merci. En attendant, si les enfants reviennent à la charge – le contraire m’étonnerait tels que je les connais – je leur dirai qu’on a encore besoin de quelques jours pour réfléchir.
Et c’est ainsi que le lundi suivant, Jeanne a trouvé dans sa boîte à lettres électronique, l’histoire suivante. Ça s’appelait « Un orage d’avril ».
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