dimanche 14 juin 2009

Pas cap ...!

Une nouvelle petite histoire d'enfants que vous pourrez continuer ... comme bon vous semblera !

- T’es pas cap ! souffle Marco à sa voisine Marion.

Et après s’être assuré que la maîtresse est bien occupée à écrire au tableau, il met son pied droit sur son bureau.

- Fastoche ! répond Marion en faisant comme lui.

Et comme la maîtresse se retourne, ils se dépêchent de reprendre une attitude normale. Ouf ! Elle n’a rien vu.

Maintenant c’est au tour de Marion de lancer un défi à Marco.

Marion et Marco ne sont pas seulement voisins en classe : ils habitent aussi depuis toujours deux maisons mitoyennes. Entre les deux jardins il y a une haie de fusains, mais aussi un petit portail. Car depuis toujours leurs parents sont amis et c’est commode de pouvoir passer d’un jardin à l’autre. Et depuis toujours les deux enfants franchissent ce portail chaque fois qu’ils en ont envie pour jouer ensemble, soit sur les balançoires ou le toboggan de Marco, soit dans la piscine de Marion où ils ont appris en même temps à nager quand ils avaient quatre ans. Depuis l’été suivant ils nagent tous les deux comme des poissons et c’est bien commode, pour leurs parents, de n’avoir plus besoin de les surveiller constamment quand ils se baignent ensemble. Si l’un des deux avait un malaise, l’autre serait là pour appeler très vite au secours.

Quand la récréation sonne, en quittant sa place Marion dit à Marco :

- Pas cap !

Et elle lui montre ses pieds. Le droit est dans la sandale gauche et le gauche dans la sandale droite. Et Marion se dirige vers la cour comme si de rien n’était. Marco n’a plus qu’à en faire autant. Prestement il se déchausse et intervertit ses baskets.

- Hé bien Marco, qu’est-ce que tu fais ? Allons, dépêche toi de sortir !

- Je rattache mes lacets, maîtresse, ils étaient défaits ! répond Marco.

Et il sort en courant, espérant qu’elle n’aura pas le temps de regarder ses pieds. Mais il est trop tard.

- Mais qu’est-ce que tu as donc fait avec tes chaussures ? Tu ne sais pas reconnaître ta droite et ta gauche ?

- Heu … Ah oui ! J’avais pas fait attention !

- Et ça ne te gêne pas pour marcher ?

- Heu … Non… Je m’en étais pas aperçu !

- Allez dépêche-toi de sortir et remets moi ça en ordre, étourdi !

Elle le regarde. Arrivé dans la cour, il est bien obligé de s’asseoir sur les marches pour obéir.

- T’as perdu ! lui souffle Marion qui passe en courant devant lui.

C’est la règle du jeu auquel ils s’amusent depuis quelques jours : non seulement il faut faire la bêtise dont l’autre a donné l’exemple, mais il ne faut pas se faire prendre.

- Mais !... Marion ! Toi aussi tu t’es trompée de pied ? dit la maîtresse. Ma parole, c’est contagieux dans votre quartier ? Allez, arrange moi ça !

- Match nul ! souffle Marco, tandis que la maîtresse s’éloigne en fronçant les sourcils.

Pour aujourd’hui, mieux vaudra ne plus se faire remarquer. Au moins à l’école … Mais à la maison …

- C’est toujours à moi, puisqu’on a fait match nul, dit Marion pendant le trajet entre l’école et chez eux. On se baigne ?

- D’accord ! dit Marco. Je vais mettre mon maillot et je viens chez toi.

Quand il la rejoint, elle l’attend, assise au bord de la piscine.

- Pas cap ! dit-elle en se levant.

Son maillot une pièce est à l’envers.

- Attends, fastoche ! dit Marco en repassant derrière la haie pour revenir aussitôt avec son bermuda à l’envers.

- À moi ! dit-il en plongeant. Laisse-moi réfléchir.

- Pas cap ! lance-t-il au bout d’un moment.

Et il fait toute la longueur de la piscine en nageant sous l’eau. Quand il ressort la tête, à bout de souffle, il entend Marion dire :

- Fastoche !

Bien sûr elle fait la même chose puis se moque de son air désappointé.

- Pas cap ! dit-elle à son tour dès qu’il a le dos tourné.

Et elle pose sur la margelle le maillot qu’elle vient d’ôter dans l’eau.

Marco n’en revient pas. Mais pas question de se dégonfler. Il dit

- Fastoche !

Et il fait comme elle.

Ils se regardent dans les yeux pour ne pas regarder dans l’eau et ils rient doucement, surpris et un peu gênés quand même de leur audace.

- Pas cap ! dit soudain Marco, pris cette fois de fou rire à l’idée de ce qu’il va faire. Car il s’est emparé du maillot de Marion et il l’enfile.

- Fastoche ! pouffe Marion en mettant le sien.

Tous deux continuent un moment à jouer, se poursuivant dans l’eau et en sortant pour plonger, chacun portant le maillot de l’autre, enchantés de cette situation saugrenue.

La maman de Marion, qui venait jeter un coup d’œil par la fenêtre, s’arrête soudain et se retourne pour mieux regarder. Elle hésite une seconde, puis retourne à son ouvrage avec un haussement d’épaule et un sourire indulgent.

- N’importe quoi ! murmure-t-elle.

À ce moment le téléphone sonne. Après quelques instants de conversation elle revient vers la fenêtre. A-t-elle rêvé ? Les enfants jouent comme tout à l’heure, chacun vêtu de son propre maillot.

Le lendemain matin est mercredi. Après son petit déjeuner, Marion, encore en pyjama, appelle Marco.

- Tu viens ? J’ai quelque chose à te dire !

- J’arrive !

Marco, lui aussi, est encore en pyjama. Et à peine a-t-il rejoint Marion que celle-ci lance :

- Pas cap !

Et elle saute dans la piscine sans s’être déshabillée.

- C’est malin ! proteste Marco. Ça va encore faire match nul parce que ça, les parents vont forcément s’en apercevoir !

- Alors tu te dégonfles ?

Marco hausse les épaules et saute à son tour.

Presque tout de suite, les deux mamans arrivent, et les enfants sortent de la piscine, leurs pyjamas trempés dégoulinants sur les dalles. Marco tente une explication :

- On jouait au bord et on est tombés !

- C’est cela, oui ! répond Jeanne, la maman de Marion. Et ça vous arrive souvent comme ça d’avoir le même accident en même temps ?

- Comme vous tromper de chaussures ! dit Patricia la maman de Marco.

- Ou de maillots ! ajoute Jeanne.

Les mamans apportent des serviettes.

- Il ne fait pas encore très chaud ce matin, dit Patricia. Alors se baigner, passe, mais dehors avec des pyjamas trempés non. Allez, enlevez ça et séchez-vous !

Les enfants obéissent. Ils enlèvent le haut et s’enveloppent dans les draps de bain pour se sécher, avant d’enlever le bas en se tournant le dos. Mais voilà que, alors que l’un et l’autre sont tout nus sous leurs serviettes, Jeanne dit soudain :

- Pas cap !

Et, retenant d’une main la serviette, de l’autre elle pousse sa fille dans la piscine.

- Fastoche ! répond Patricia en faisant de même à son fils.

Et toutes deux éclatent de rire, tandis que les deux enfants, sortant la tête de l’eau, s’accrochent à la margelle pour les regarder, éberlués.

- Vous verriez vos têtes ! s’exclame Patricia riant de plus en plus.

- Bon ! dit enfin Jeanne, reprenant son sérieux. On ne va pas en faire un drame mais maintenant, ce petit jeu, on arrête, parce qu’à force d’essayer de trouver une bêtise que l’autre n’osera pas faire, on finit par en faire des très grosses et ça peut très mal tourner. D’accord ?

- D’accord on arrête, dit Marion, soulagée de s’en tirer à si bon compte.

- D’accord, dit à son tour Marco. Mais maintenant comment on fait pour sortir ? On n’a pas nos maillots !

Les deux mamans se regardent, hésitantes.

- Débrouillez-vous ! Ça vous apprendra ! Tu viens prendre un café ? dit soudain Jeanne en tirant Patricia par la main.

Et toutes les deux partent en riant comme des gamines, ravies du tour qu’elles viennent de jouer aux enfants.

- Comment tu crois qu’ils vont faire ? demande Patricia. Depuis quelque temps Marco est devenu pudique comme tout : il ne veut même plus que je le voie faire sa toilette.

- Facile, répond Jeanne. Ils peuvent très bien sortir sans se regarder !

- Pas sûr qu’ils y pensent, pas sûr qu’ils osent …

- Et pas sûr qu’ils ne jettent pas un coup d’œil en douce. Mais bah ! À sept ans et demi, ils n’en perdraient pas la vue ! Tu ne penses pas ?

Pendant ce temps les enfants réfléchissent tout en nageant sur place au milieu de la piscine, là où ils n’ont pas pied.

- Il y a un moyen, dit Marco. Je me retourne et je compte jusqu’à soixante, comme quand on joue à cache-cache. Pendant ce temps tu sors et tu vas mettre ton maillot. Et pendant que tu es dans ta maison, moi je vais mettre le mien.

- Pas mal, répond Marion. Mais je trouve que c’est mieux que tu y ailles en premier.

- D’accord, mais tu me promets de pas regarder !

- Bien sûr ! Mais attends : les mamans, elles ont voulu nous faire une farce et elles attendent de voir ce qu’on va faire. Moi j’ai envie qu’on leur en fasse une aussi : on reste un peu avant de sortir.

- Comme ça tout nus ? s’étonne Marco, vaguement scandalisé.

- Elles peuvent rien dire puisque c’est elles qui nous ont poussés !

- Non, c’est vrai. Mais … Tu as pas honte, toi ?

- Ben, tant qu’on est dans l’eau … Tu vois quelque chose, toi ?

- Ben … pas vraiment, non, avoue Marco après avoir vérifié.

- En plus, tu te rappelles pas ? Quand on était petits elles nous faisaient notre bain ensemble des fois. Alors on s’est déjà vus tout nus !

- Oui, mais on était petits. Et dans la piscine on mettait des maillots.

- Bon, t’es cap ou pas ?

- On a dit qu’on jouait plus à ça.

- D’accord mais qu’est-ce qu’on fait ?

- On n’y va pas tout de suite. Surtout que pour l’instant je suis sûr qu’elles regardent par la fenêtre pour voir ce qu’on va faire. On joue un moment avec les bonshommes et après on verra.

Les bonshommes, ce sont quatre petits personnages en matière plastique qu’ils ont laissés la veille au soir alignés sur la margelle. Quand on les jette dans l’eau, deux coulent lentement au fond et les deux autres flottent. On les lance tous les quatre à la fois à l’autre bout de la piscine et c’est à qui en récupèrera le plus.

C’est Marco qui lance le premier et avant qu’il ait achevé son geste Marion a déjà plongé. Il ne lui reste plus qu’à nager vers ceux qui flottent.

- Gagné ! s’écrie Marion qui, en même temps qu’elle émergeait avec les deux bonshommes récupérés au fond en a raflé un troisième en surface sous le nez de Marco.

- J’ai vu tes fesses quand tu as plongé ! dit Marco, vexé, pour se venger de sa défaite. Elles sont toutes blanches !

- Ah oui ? rétorque Marion. Et moi j’ai vu ton zizi sous l’eau !

- On avait dit qu’on regardait pas ! proteste le garçon.

- C’est qui qui a commencé ? répond son amie. Allez, t’en fais pas ! J’ai rien vu du tout !

- Ben … Moi j’ai pas fait exprès mais je les ai vues : quand tu plonges elles sortent de l’eau.

- Après tout je m’en fiche, décide Marion en haussant les épaules. On continue ? C’est moi qui lance.

- On continue, accepte Marco. Elles vont être bien attrapées et … en plus je trouve que c’est drôlement agréable de nager tout nu. Pas toi ? Ça glisse mieux qu’avec le bermuda.

- Ben oui ! Moi, mon maillot je le sens pas tellement mais quand même, j’aime bien comme ça. Pourquoi on en met d’habitude ?

- Voyons ! Ça se fait pas de se baigner tout nus !

- Je sais bien, mais pourquoi ? Pourquoi quand on était petits on pouvait être tous les deux tout nus dans la baignoire et pas dans la piscine ?

- À cause des voisins ?

- Ben non ! Ils peuvent pas nous voir ! Devant tout le monde je dis pas, mais rien que nous deux, je comprends pas pourquoi on pouvait être tout nus ensemble quand on avait trois ans et plus maintenant. D’ailleurs, Maman, elle doit trouver que c’est pas grave, et la tienne aussi, sinon elles nous auraient pas poussés comme ça !

- C’est vrai, reconnaît Marco. Alors, tu lances ?

Derrière la fenêtre, les mamans constatent que leurs enfants s’amusent sans plus se soucier des maillots qu’ils n’ont pas. Et ça dure. Au point que, lorsque au bout d’un quart d’heure Marco, contrôlant mal son geste, envoie un bonhomme plus loin que le bout de la piscine, il n’hésite pas une seconde à aller le chercher et, tandis que Marion lui crie en s’étouffant de rire : « J’ai vu ton zizi ! », il rit aussi en exécutant devant elle une fugitive danse du ventre. Il plonge, elle s’enfuit d’abord en nageant, mais la poursuite se continue bientôt moitié dans l’eau et moitié dans le jardin.

Jeanne regarde Patricia :

- C’était peut-être pas une bonne idée !

- J’avoue que je ne m’attendais pas à ça, répond Patricia. Et en plus, c’est notre faute, on ne peut pas le leur reprocher.

- Après tout, où est le mal ?

- C’est vrai. Il faudra quand même qu’on ait une explication… Mais en attendant, pour cette fois … On n’intervient pas ?

- On n’a rien vu, conclut Jeanne. On attend qu’ils soient tous les deux dans l’eau et on leur apporte leurs maillots sans rien dire.

Mais lorsqu’elles les ont posés sur la margelle, Marco a dit :

- On est obligés de les mettre ?

- On est drôlement mieux comme ça, a dit Marion. Vous avez jamais essayé ?

- Faites comme vous voudrez pour ce matin, a concédé Patricia. Mais il va falloir qu’on en discute...

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