jeudi 10 septembre 2009

Le bloc-notes de Noémie (2)

Je récapitule ce que Maman m’a expliqué.

Pour le mariage.

Les catholiques, comme Papa et sa famille, pensent que Dieu défend de faire l’amour si on n’a pas été mariés par un curé. Et que quand on a été mariés par un curé on ne doit jamais divorcer, ou alors, si on divorce, on ne peut pas se faire remarier par un curé. Donc on ne doit plus jamais faire l’amour avec personne.

Je lui ai dit que pourtant Papa l’avait bien fait avec elle sans être mariés par un curé et que … ça m’étonnerait qu’il ne le fasse plus jamais. Elle a répondu que les catholiques font très souvent des choses qu’ils croient que Dieu leur défend. Ils espèrent que Dieu leur pardonnera et ils croient que sans ça il les punira après leur mort. Parce qu’ils croient qu’on a un corps et une âme et que le corps meurt mais que l’âme est immortelle. Et Mamie Brigitte espère que, puisque avec Maman il n’a pas été marié par un curé, il pourra le faire avec une autre femme.

Je ne comprends pas bien le pourquoi de tout ça mais là, Maman me dit qu’elle non plus. Si j’ai le courage, je demanderai à Mamie Brigitte. Parce que j’ai peur que ce soit un peu long et en fait ça ne m’intéresse pas tellement.

Pour la pudeur.

Maman dit que je ne me rends pas trop compte parce que je suis encore trop jeune, même si je commence à avoir un peu l’air d’une jeune fille. Elle dit que bien sûr, les relations sexuelles, quand on fait l’amour, quoi, ça c’est normal que ce soit le « jardin secret » comme dit Mamie Brigitte, parce que ce n’est pas de la gymnastique, quand on fait ça on montre des choses vraiment intimes, du fond de soi, pas seulement de son corps. Et la loi oblige à cacher son sexe parce que, justement, c’est le sexe et que pour beaucoup de gens pas habitués, le voir ou le laisser voir c’est un peu comme si on te voyait faire l’amour. Elle dit que nous, les naturistes, quand on voit un sexe, on ne pense pas forcément à faire l’amour parce que, comme on est habitué à le voir en même temps que le reste du corps on n’y fait pas particulièrement attention. Et surtout les enfants, qui n’ont pas de raison d’y penser. Et les grands, ils y pensent quand ils veulent bien mais pas tout le temps. Tandis que ceux qui ont l’habitude que le sexe soit caché même quand le reste est nu, comme à la plage, dès qu’ils voient un sexe nu ils ne voient plus que ça, et ça les fait penser à faire l’amour. C’est pour ça qu’ils trouvent que c’est indécent. Enfin, plus ou moins, mais en gros plus ils sont habitués à faire attention de le cacher et plus ils trouvent que c’est indécent.

Mais elle dit que même chez les enfants naturistes, qui sont habitués, avec la puberté forcément on pense beaucoup plus à son sexe puisqu’il se met à changer et c’est pour ça que tu as l’impression que tout le monde te regarde là et que tu as envie de le cacher. Mais là aussi, c’est plus ou moins. Ça dépend de tes hormones, tu n’y peux rien. C’est pour ça qu’il y a aussi des ados qui continuent à ne pas être gênés. Elle dit qu’elle c’était plutôt ça jusqu’à ce qu’elle ait fait l’amour avec Papa. Elle pense qu’elle ne l’a pas vraiment compris à ce moment-là, mais c’est en y réfléchissant : avant tu ne savais pas que ton corps pouvait ressentir ça et quand tu t’en aperçois c’est tellement fort que tu as l’impression que ça doit se voir tout le temps. Tu as l’impression que si les gens te voient toute nue, même ceux qui sont habitués, c’est comme s’ils te voyaient en train de faire l’amour. Ton corps tout entier mais surtout le sexe, bien sûr, est vraiment devenu un « jardin secret » seulement pour toi et celui que tu aimes. Et puis quand tu t’es un peu habituée, en général, si tu es naturiste les gens que tu rencontres tout nus tu sais bien que souvent ils viennent de faire l’amour eux aussi et tu vois bien que ça ne se voit pas, alors tu réalises que toi c’est pareil et tu reprends l’habitude comme avant.

Je crois que j’ai compris que le sexe, Julie y pense plus que moi parce qu’on lui a appris à faire attention de le cacher, à faire des mystères. Et du coup à la fois elle a honte et elle a envie d’en voir et même de montrer le sien parce que c’est défendu. Comme quand elle a baissé sa culotte exprès parce qu’elle savait que le petit voisin la regardait. Alors que moi, pour l’instant en tout cas, ça ne m’intéresse pas plus que ça. Je sais bien que je suis en train de devenir une jeune fille, qu’un jour ou l’autre je vais avoir mes règles, mais le reste, ce n’est pas pour tout de suite.

***

Les vacances de printemps arrivent et Maman va être toute seule la deuxième semaine. Moi je suis avec Papa, ou chez Mamie Brigitte s’il n’est pas libre tout le temps et les poussins sont chez Mamie Josiane. Elle a dit à Maman de ne pas venir avec eux, que ça lui ferait sûrement du bien d’être un peu seule à Paris. Je crois que Maman a bien compris que c’était un complot entre elle et tante Véro et que seule ça voulait dire avec son ami de l’accident. Mais à nous, elle ne nous parle pas de lui.

***

Retour de vacances.

Papa a voulu m’acheter des fringues pour l’été prochain. Pendant que j’essayais il me laissait seule dans la cabine mais après il venait regarder comment ça m’allait. Et c’est comme ça qu’il a découvert tout d’un coup que mes seins poussaient. Parce qu’avec mes habits d’hiver, comme je préfère quand c’est bien large, ça ne se voyait pas. Il a dit :

- Mon Dieu, mais tu es en train de devenir une jeune fille ! C’est pas possible, je ne t’ai pas vue grandir !

Et c’est drôle, d’un seul coup il s’est mis à me parler autrement, comme à une grande ! Et je me suis rendu compte en même temps qu’il avait envie de me connaître et qu’en fait il ne me connaissait pas du tout. Avec un week-end sur deux et les bouts de vacances qu’il ne m’envoie pas passer chez ses parents, ça doit être plus ou moins normal. Papa a l’habitude de fréquenter des intellectuels comme lui, et moi il ne m’a jamais laissée tomber mais les enfants, ça ne l’intéresse pas vraiment. Et on dirait que parce que mes seins poussent, à ses yeux je deviens une vraie personne. Et en même temps j’ai envie de lui plaire et ça m’énerve qu’il marche comme ça à l’apparence. C’est vrai qu’il a toujours fait très attention à la sienne. Il dit que c’est une question de respect de soi-même et des autres et je suis d’accord, mais quelquefois je le trouve un peu amidonné.

J’ai dit ça à Maman et elle me dit que ça la gêne un peu parce qu’elle ne veut pas porter de jugement sur mon père, mais, en répétant bien que ce n’en est pas un elle a fini par me dire :

- Dans le fond, ton père est un timide, comme la plupart des orgueilleux, et c’est pour ça qu’il ne se lâche pratiquement jamais. C’est peut-être pour ça aussi qu’il est contre le naturisme : il y voit une sorte de laisser-aller.

J’ai dit :

- Mais c’est pas vrai ! Je trouve que les naturistes font plus attention comment ils se tiennent que la plupart des gens qu’on voit sur les plages ordinaires !

Elle m’a dit :

- Ah tu as remarqué ça aussi ? Eh bien si tu dis ça à ton père il ne le croira pas. Pour lui la dignité est incompatible avec la nudité. Sans doute parce qu’il n’a jamais voulu essayer. Nous avons tous nos petits blocages, tu sais !

J’ai dit :

- Des choses dont on n’ose pas parler, par exemple !

Parce qu’au retour des vacances on l’a trouvée encore plus belle et plus jeune qu’avant. Elle m’a regardée longuement en souriant avant de me répondre :

- Message reçu ma puce. Je vous en parlerai sans doute bientôt : promis.

***

Ça y est. Elle s’est décidée.

Hier soir, à la fin du dîner, elle nous a dit :

- Mes chéris, il faut que je vous parle.

Comme on n’attendait que ça, on est restés bien tranquilles tous les trois à la regarder dans les yeux. Elle a continué :

- Voilà : j’ai fait la connaissance d’un monsieur que j’aime beaucoup.

J’ai dit :

- Seulement beaucoup ?

Elle m’a attirée contre elle et elle m’a dit doucement :

- Ça, ma chérie, c’est ma vie privée !

Et Vanessa a demandé :

- C’est le monsieur de l’accident ?

Maman a ri, puis elle a répondu :

- Oui, petite sorcière ! Bon, alors il s’appelle Patrick, il est à peine un peu plus vieux que moi, il est divorcé, il a un fils de onze ans et comme il sait que pour moi il n’y a rien au monde de plus important que vous trois il a très envie de vous connaître. Qu’est-ce que vous en pensez ?

- Nous aussi, on a envie de le connaître ! a dit Benoît.

- Bon, alors quand ? a dit Vanessa.

- Eh bien … Il faut y penser, a dit Maman. Pas dimanche prochain puisque Noémie ne sera pas là, mais …

J’ai dit :

- Ce qui serait bien c’est pour la Fête des Mères. Moi je suis avec vous, bien sûr, et sûrement le fils de … Patrick sera avec sa maman. Lui, il préfère certainement nous connaître avant de mettre son fils dans le coup !

- Tu sais que tu n’es pas bête, toi ? a dit Maman. Je vais lui proposer ça.

La Fête des Mères, ça nous met dans dix-sept jours. Pour l’occasion on change l’alternance avec Papa. J’ai hâte !

***

Maman a eu une idée géniale. Culottée mais … Enfin, culottée, ce serait plutôt le contraire ! Ouaf ! Rions !

Elle va proposer à son Patrick de nous rencontrer à Héliomonde !

Elle a dit :

- Je ne crois pas qu’il soit vraiment naturiste mais si je ne me trompe pas sur lui, ça ne lui posera pas de problème. Mais avant de vous le faire connaître, j’aime quand même autant vérifier. Vous comprenez, moi j’y tiens au naturisme. J’y tiens en particulier pour vous parce que j’aime bien que vous soyez complètement à l’aise avec votre corps. À cause de Papy et Mamie aussi. Donc je prends mes précautions et là, pas question de s’en sortir au baratin. On sera tout nus tous les cinq, et on verra bien s’il y a un problème. Vous trois, ça ne vous en pose pas ?

On a répondu « Non ! » en chœur. Elle a insisté pour moi :

- Tu es sûre, Noémie ? Parce que je m’emballe mais je sais qu’à ton âge, comme tu ne le connais pas …

J’ai dit :

- S’il n’y a pas de problème pour lui, il n’y en aura pas pour moi. Et si jamais je ne le sentais pas clair … je me rhabillerais !

***

Il a dit oui sans hésiter. Il ne lui reste plus qu’à montrer que ce n’est pas du bluff. Parce qu’il n’a pas intérêt à la décevoir ma Maminou !

***

Le test est réussi.

Quand Maman est allée le chercher à l’accueil, les poussins et moi on a fait quelques plongeons le temps qu’ils reviennent, puis on a attendu et on les a regardés arriver. Ils se donnaient la main et ils faisaient un beau couple. Maminou pas très grande mais supercanon. Tout le monde le dit : on ne croirait jamais qu’elle a eu trois enfants. Et allaités en plus. Lui un peu plus grand, pas mince mince mais pas gros non plus, pas mou. Tout nu avec sa serviette sur l’épaule il avait l’air bien naturel, comme s’il avait été habitué.

Les poussins lui ont fait la bise tout de suite. D’accord c’est l’amoureux de Maman mais on ne le connaissait pas encore. C’est vrai que les petits, ils ont le bisou facile. Moi j’ai tendu la main. J’ai bien aimé comme il me l’a serrée en me regardant bien dans les yeux, avec un sourire franc. Quand ils s’approchaient, évidemment il nous regardait en entier tous les trois : on devait être faciles à repérer en train de les attendre. Mais d’abord il n’avait pas l’air de regarder partout pour mater les nanas, et nous non plus il ne nous regardait pas autrement que si on avait été habillés.

Puis il a tout de suite accepté quand les poussins lui ont demandé de venir jouer avec eux dans l’eau. Et là, ils ne l’ont pas ménagé ! Puis à un moment Maminou et les poussins étaient dans l’eau et lui et moi assis sur le bord. Et j’ai adoré comment il la regardait. Je le lui ai dit :

- J’aime bien comme vous regardez Maman.

Il a dit :

- Tu fais comme tu le sens, mais tu sais, tu peux me tutoyer, comme les petits ! Mais peut-être que tu ne le sens pas parce que tu es plus grande. Comment faut-il dire ? Tu es une petite jeune fille ou une grande petite fille ?

« Petite jeune fille », j’ai horreur. Je trouve ça, comment dit-on ? Condescendant. J’ai HORREUR. Et « grande petite fille »… un peu amusant mais un peu ridicule. Je me suis demandé ce qu’il lui prenait de poser une question pareille. J’ai répondu :

- Maman dit que je suis sa grande fille, tout simplement. Je préfère.

Il a ri.

- Un point pour toi ! Je l’aime, ta mère, tu sais. Et moi aussi j’aime comme tu la regardes. Quand on la voit avec vous trois … Seule elle est … J’ai eu le coup de foudre, quoi. Mais avec vous elle est parfaite, au complet … Je ne trouve pas les mots mais je suis sûr que tu comprends ce que je veux dire, tu as le sens de la nuance, tu viens de le montrer. Tu t’entendrais bien avec mon fils, je crois.

Et là c’est moi qui ai dit :

- Un point pour toi !

Et j’ai plongé, parce que quand même, on n’allait pas s’attendrir !

Mais le soir, la bise je la lui ai faite.

Bilan : il est à l’aise à Héliomonde, il adore Maminou sans nous et encore plus avec nous et il n’oublie pas non plus de penser à son fils. Et en plus lui et moi, j’ai l’impression qu’on se comprend. Je l’ai dit à Maman : je voudrais tellement qu’elle soit heureuse et j’ai l’impression qu’avec lui c’est possible.

À suivre, comme on dit dans les feuilletons.

***

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