Il persista toute la semaine. Le jeudi après-midi, aux heures les plus ensoleillées, fidèle à sa proposition Bruce choisit de rester dans sa chambre.
- Mais tu sais, si tu veux nous rejoindre en maillot, nous ça ne nous dérange pas, c’est toi qui vois ! avait précisé Fabienne alors qu’elle gagnait en paréo le jardin où Anaïs était déjà en train d’ôter la fameuse chemise de nuit.
Bruce tint bon deux heures. Puis il se souvint qu’en fait, quand il prenait sa douche avec Régis, le sexe de son ami n’était tout simplement pas dans son champ visuel et que, n’ayant ni cherché à le voir ni vraiment pris garde de ne pas le regarder, il n’aurait pas su dire à quoi il ressemblait. Il pensa que si l’envie le prenait de se baigner avec sa mère et sa sœur, il n’aurait après tout qu’à ne pas regarder ce qu’il n’avait pas envie de voir.
Au bout de deux heures il se décida.
- Maman ! Tu sais où est mon maillot ? appela-t-il en s’approchant de la porte-fenêtre.
- Dans ton placard ! Troisième tiroir mon grand !
D’après l’origine des sons qui parvenaient à son oreille, Fabienne devait être allongée dans l’herbe et Anaïs en train de patauger dans la piscine, donc dans l’eau au moins jusqu’à la taille. Et puis après tout, il avait jusque là protesté pour le principe, mais c’est vrai que voir sa petite sœur toute nue, qu’est-ce que ça lui faisait ? Tant qu’elle ne le voyait pas, elle !
Il trouva le maillot, se déshabilla et au moment de l’enfiler repensa à la traversée du couloir chez Régis. Seul dans la maison, il décida en ayant l’impression de tenter une véritable aventure de la reproduire chez lui. Autant l’expérience qui avait consisté à se relever de nuit pour jouer cinq minutes nu dans sa chambre lui avait paru absurde, autant celle-ci était amusante. Il faisait comme avec Régis, et il traversait ce couloir tout nu alors que, dehors, on l’en croyait incapable ! Il attendit d’arriver à l’entrée du salon pour enfiler son maillot et gagner le jardin.
Fabienne lisait, à plat ventre sur son paréo. Elle leva les yeux vers lui et lui sourit puis reprit sa lecture.
- T’es gentil de venir ! lui cria Anaïs en s’élançant pour trouver moyen de nager sur les trois mètres cinquante que lui offrait la plus grande dimension de la piscine.
Le reste de l’après-midi s’écoula sans qu’on s’inquiétât davantage de qui avait un maillot et qui n’en avait pas, et Bruce convint avec lui-même qu’après tout c’était très bien comme ça.
Le lendemain la maman de Régis l’amena dans la matinée et, cerise sur le gâteau, Fabienne, heureuse des progrès de Bruce qu’elle attribuait non sans raison à l’influence de son ami, obtint qu’il restât jusqu’au samedi midi.
- Ne vous inquiétez pas : on lui prêtera un pyjama et j’ai toujours des brosses à dents neuves en réserve, avait-elle dit pour balayer les objections.
- C’est vrai que vous avez une piscine, s’avisa Régis en sortant dans le jardin. Je me rappelais plus. C’est vrai que l’hiver ... Vous avez de la chance ! Tu crois qu’on pourrait se baigner ? Oui mais j’ai pas mon maillot !
- Je peux t’en prêter un si tu veux qu’on se baigne cet après-midi, quand il y aura le soleil dessus !
Ils se baignèrent en effet. Anaïs avait déclaré qu’elle préférait jouer dans sa chambre et alors qu’ils étaient dans l’eau depuis deux ou trois minutes Régis s’en étonna :
- Elle aime pas se baigner, ta sœur ?
- Elle adore ! Hier on a joué ensemble dans l’eau, mais toi elle te connaît pas encore bien et puis … Maintenant elle a pris l’habitude toute nue et je crois que ça l’embête de mettre un maillot !
- Ah oui, tu m’avais dit que tu avais un problème avec elle. Mais je croyais que c’était seulement pour la douche ! Et alors, hier vous avez fait comment ?
- Ben moi j’avais mon maillot et elle non. Tu vois, j’ai réfléchi à ce que tu m’as dit et … Elle a qu’à faire comme elle veut, je m’en fiche.
- Remarque, je la comprends ! Nous, si on avait une piscine comme ça où les voisins peuvent pas vous voir, je crois que mes frères et moi on en mettrait pas souvent !
- C’est vrai ? Tu sais, j’ai demandé à Maman et elle a dit qu’on pourrait peut-être les faire venir avec toi une fois. Si tu crois qu’ils ont envie de se baigner tout nus, c’est pas elle que ça gênerait … Et puis …
Il restait une dernière hésitation …
- Et puis… Toi aussi si tu en as envie !
- Ta mère dirait rien ?
- Je t’ai dit, elle, elle est pas contre ! Et tes parents, ils te permettraient ?
- Ils sont d’accord qu’on prenne la douche ensemble, toi et moi, alors …
- Alors tu fais comme tu as envie !
Régis le regarda dans les yeux, cherchant à deviner ce qu’il en pensait vraiment, puis se décida et le maillot prêté par Bruce aboutit sur la margelle. Une fois de plus Bruce se sentit obligé d’imiter son ami et… une fois de plus il ne le regretta pas.
Un moment plus tard, Fabienne, jetant un coup d’œil depuis la porte-fenêtre pour vérifier que tout allait bien, ne vit pas la nudité des garçons, que le muret lui cachait, mais aperçut les maillots abandonnés. Se souvenant que Bruce avait parlé de la douche partagée elle ne vit pas de raison de s’inquiéter d’une possible réaction défavorable des parents de Régis et ne fit donc aucun commentaire.
Les garçons remirent leurs maillots avant de sortir de l’eau lorsqu’elle les appela pour le goûter, qu’elle servit sur l’herbe. Pour cette occasion Anaïs les rejoignit et, la voyant lorgner vers la piscine, Régis lui dit :
- Tu sais, si tu as envie de te baigner, faut pas te gêner pour nous, il y a la place !
- Ça je sais, répondit Anaïs. L’autre jour on y a été jusqu’à six dedans ! Mais …
- C’est parce que t’as pas envie de mettre ton maillot ? demanda Bruce.
La petite haussa les épaules sans rien dire.
- Tu sais, moi j’ai l’habitude de voir mes petits frères tout nus et toi tu as le même âge que le plus petit, alors si c’est pour ça, faut pas te gêner à cause de moi.
- Holà ! Attendez ! intervint Fabienne. En ce qui me concerne, je suis pour que vous vous arrangiez ensemble comme vous voudrez, mais es-tu sûr que tes parents ne verraient pas d’objection ? Entre garçons, bon, mais Anaïs est une fille !
- Moi, je crois pas qu’ils seraient contre ! répondit Régis.
- Il vaudrait quand même mieux leur demander, non ? Enfin … Si Anaïs a envie de se baigner et qu’elle ne veuille décidément pas mettre son maillot, ce qui serait quand même le plus simple … Si vous gardez les vôtres, bien sûr !... Non, ne vous inquiétez pas, je ne vous ai pas regardés mais il me semble avoir aperçu quelque chose sur la margelle !
Bruce rougit et ne dit rien.
- Moi ça m’est égal, dit Régis.
- Ya qu’à demander, conclut la petite. Et si ils sont pas d’accord je mettrai mon maillot.
- Bon alors si c’est un ultimatum… sourit Fabienne. Qu’est-ce qu’on fait ? Tu veux que je les appelle et que je leur explique ou tu préfères le faire toi-même, Régis ?
- J’appelle Maman.
Au téléphone il demanda sans autre préambule :
- Maman, Chez Bruce il y a une petite piscine. Ça fait rien si on se baigne tout nus ? (…) Non les voisins peuvent pas nous voir. (…) Sa mère elle est d’accord si toi tu es d’accord et … Il y a aussi la petite sœur de Bruce, qui a l’âge de Bruno, ça fait rien ? (…) Cool ! Bisou !.. Elle a dit qu’on se débrouille comme on voudra.
- Trop cool ! s’écria Anaïs.
Et sans plus de façons elle courut à la piscine en semant sur l’herbe les vêtements qu’elle avait consenti à mettre pour venir goûter. Les garçons la suivirent à distance, entrèrent dans l’eau …
- Tu veux que je te dise ? Moi je trouve qu’on est trop cons si on fait pas comme elle, déclara Régis après un temps d’hésitation.
Bruce aurait sans doute protesté s’ils n’avaient pas été dans l’eau jusqu’à la ceinture mais là …
- Ouah Bruce ! s’écria la petite quand elle le vit poser son maillot sur le muret. Régis, t’es un champion !
Quand la fraîcheur vint, les garçons cette fois encore remirent les maillots avant de sortir de l’eau tandis qu’après s’être séchée Anaïs regagnait sa chambre sans complexe ses vêtements à la main.
- Une douche bien chaude vous ferait quand même du bien, suggéra Fabienne.
- Vas-y Anaïs, on ira après toi ! dit Bruce qui grelottait un peu.
Puis tous deux, enveloppés dans les serviettes de plage, sous lesquelles ils avaient ôté à nouveau leurs maillots pour les mettre à sécher, allèrent attendre leur tour dans la chambre de Bruce.
- Nous, expliqua-t-il, tandis qu’ils sautaient sur son lit pour se réchauffer, la douche, on n’en a pas une grande mais on la prend dans la baignoire, alors on peut quand même y aller à deux.
Dès qu’un bruit de porte refermée leur annonça que la voie était libre, il annonça :
- Traversée !
Et tous deux, abandonnant les serviettes, se précipitèrent vers la salle de bain. Las ! Anaïs en la quittant avait fait un détour imprévu par les toilettes et ils se retrouvèrent tous les trois tout nus se bousculant dans le couloir. La petite éclata de rire, Régis prit le même parti et Bruce, après un instant de désarroi, se décida à faire comme eux.
Ils passèrent ensuite la soirée et la matinée du lendemain les garçons en pyjama et Anaïs dans la chemise qu’elle ne mettait plus la nuit.
- C’est trop cool chez toi ! conclut Régis en quittant Bruce quand son père vint le chercher.
***
La semaine suivante se passa sans incident chez Charles et Ariane. Bruce ne pouvait pas encore récupérer sa chambre, mais sa nouvelle complicité, secrète ici, avec Anaïs assura une cohabitation sans nuages. Rassurée par les explications de son mari, Ariane était revenue sur son intention première d’écarter celle-ci de Lisa et les deux petites filles continuaient donc jusqu’à nouvel ordre à partager leur bain et leur lit. Et à s’y amuser en veillant seulement à ne pas faire de bruit pour ne pas attirer sur elles l’attention des adultes, ce qui était assez facile, la petite Coralie se chargeant de l’occuper.
Pendant ce temps Léa et les enfants revinrent une fois chez Fabienne. C’est Thibaud qui lui annonça, triomphant, que c’était décidé : Léa resterait désormais avec eux le week-end quand elle n’aurait pas d’autre projet.
- Ça te fait plaisir ? demanda Fabienne pendant que les enfants jouaient. Pour le coup tu vas passer beaucoup de temps avec Clément !
- Oui, répondit Léa en rougissant encore. Ça me fait un peu peur aussi. Il me l’a proposé en me disant que les enfants insistaient mais que j’avais le droit de refuser. Je ne suis pas sûre que ça lui fasse plaisir, à lui. Je ne vais pas rester tous les week-ends : j’aurais peur qu’il en ait marre de me voir. Puis quand même, il y a ma famille …
- Tu es très raisonnable, ma petite Léa. Mais quand même, il faut savoir prendre des risques quelquefois ! J’ai l’impression que vous marchez tous les deux sur des œufs, de peur de casser quelque chose alors que vous mourez d’envie de vous jeter dans les bras l’un de l’autre !
- Peur de casser quelque chose, oui, c’est ça ! Je trouve que c’est déjà tellement formidable comme on est là ! Comment réagiraient les enfants, s’ils avaient l’impression que je veux prendre la place de leur mère ?
- Il ne s’agit pas de prendre la place de leur mère, Léa. Leur mère est morte, c’est du passé, elle restera toujours là, dans leur cœur, et même dans celui de Clément, mais ça n’a pas empêché que tu prennes ta place, à toi. Ils t’aiment, ils ont besoin de toi, Léa, pas d’une autre Mélanie !
- Les enfants, oui, je crois. Mais Clément, je ne suis pas sûre. Tu imagines, si je me mettais à jouer les séductrices avec lui et que je prenne un râteau ? Comment on ferait après ?
- Tu as raison. Ne joue rien, continue à être toi-même, ça devrait suffire…
Les enfants voulaient se baigner. Cette fois Léa avait prévu des brassards pour David et quand elle l’en eut équipé, elle leur permit d’aller tous les trois continuer leurs jeux dans la piscine.
- Tu es gentille de me parler comme ça, reprit-elle en revenant vers Fabienne. Ça me fait du bien, tu sais, j’ai … j’ai l’impression d’avoir trouvé une grande sœur.
Très émue, celle-ci embrassa Léa en se promettant de tirer les choses au clair avec Clément. Avec un peu de diplomatie …
Quelle diplomatie ? se demandait-elle le soir. C’est à cause de leur diplomatie qu’ils ne sont pas sortis de l’auberge tous les deux. Et moi, si je pose franchement la question à Clément, ça n’engage pas plus Léa que mes conversations avec elle ne l’ont engagé, lui ! Bon, il vaut peut-être mieux leur laisser passer d’abord un ou deux week-ends ensemble mais après …
***
Le faux été du mois d’avril avait pris fin et les enfants n’eurent pas à regretter la piscine quand Bruce passa le mercredi suivant les vacances chez Régis et Anaïs chez Zoé. Puis un peu de douceur revint et il y eut un autre mercredi où Régis revint passer la journée, cette fois avec ses petits frères. Comme on peut s’en douter, mis au courant de la dernière séance, ceux-ci ne jugèrent pas utile de se munir de leurs maillots. Anaïs fut immédiatement à l’aise avec eux, dans l’eau comme sur l’herbe et les deux grands convinrent bientôt que le plus simple était de faire comme eux, si bien qu’ils furent bientôt cinq enfants à jouer nus dans le jardin.
Fabienne se réjouissait de cette évolution, tout en évitant encore de se montrer nue devant ceux dont elle n’était pas certaine que les parents l’auraient approuvé.
Seule avec les siens, en revanche, elle continuait certes à limiter sa nudité au jardin, veillant à rester discrète dans ses attitudes en présence de Bruce mais, lorsque le temps invitait à la baignade et au bronzage, elle ne s’en privait pas. Le garçon avait désormais admis qu’un maillot était inutile du moment que les autres n’en portaient pas, il n’hésitait plus à la rigueur à traverser nu la maison, mais il préférait d’ordinaire y rester habillé. Quant à Anaïs, personne chez elle ne semblant plus prêter attention à sa tenue, elle suivait sans contrainte son inspiration du moment.
***
Comme elle avait fait mine de l’envisager pendant les vacances de printemps, Fabienne invita les Girard avec Léa et David un dimanche de la fin du mois de mai où Anaïs et Bruce étaient chez leur père.
Depuis le début du mois, le temps avait été plutôt maussade en général et, à l’inverse des enfants qui comptaient sur la piscine, Clément et Léa avaient espéré dans leur for intérieur qu’il en serait de même ce dimanche. Car sachant que Fabienne n’aurait aucune raison de mettre un maillot puisque avec l’un comme l’autre elle s’était déjà baignée nue, la perspective d’avoir à l’imiter les embarrassait. Certes Clément était un naturiste chevronné, certes Léa s’était accoutumée à être nue dans le jardin avec elle et les enfants mais, alors qu’ils se connaissaient depuis plus de huit mois, eux deux ne s’étaient jamais trouvés nus en présence l’un de l’autre et, peut-être aussi à cause de leurs sentiments inavoués, ce pas leur semblait difficile à franchir.
Avec l’aide d’un vent plus actif en altitude qu’au sol, le soleil, encore hésitant lorsqu’ils quittèrent la montée de Choulans, triomphait des derniers nuages lorsqu’ils arrivèrent chez Fabienne. Celle-ci les accueillit en paréo pour les conduire dans le jardin où elle avait préparé un barbecue. En un instant les enfants s’étaient déshabillés, avaient passé ses brassards à David et couru vers la piscine. Fabienne les y suivit en lançant à Léa et Clément :
- Vous venez ?
Ils échangèrent un coup d’œil interrogatif puis, évitant désormais de regarder Léa, Clément entreprit de se déshabiller. Elle prit une grande inspiration et se décida à faire de même.
Trois adultes en même temps que les enfants dans cette très petite piscine, c’était beaucoup. Mais pour Fabienne, l’important était que ce pas ait été franchi. Elle proposa donc des paréos et, tandis que les enfants continuaient à s’amuser dans l’eau, elle invita ses amis à s’installer sur l’herbe en attendant que les braises soient assez rouges pour griller les brochettes.
La nudité était désormais banale pour Fabienne dans ce jardin et, le premier instant passé, Clément avait retrouvé naturellement son aisance de la Sablière. Léa eut un peu plus de difficulté à ne plus craindre son regard qui, du reste, avait toute la discrétion souhaitable mais, gagnée par le naturel des autres, elle finit par se trouver à l’aise elle aussi, de sorte que ce fut pour tous les six une journée agréable.
Au moment de se coucher, Clément trouva sur son ordinateur portable ce message, soigneusement prémédité :
Cher Clément,
J’ai conscience de me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais j’espère que notre amitié est désormais suffisamment confirmée pour que tu ne m’en veuilles pas.
Je vous ai regardés vivre tous les cinq, aujourd’hui, et je trouve que vous constituez une vraie jolie famille. Il n’y manque qu’un peu moins de timidité dans vos rapports, à Léa et toi. Non seulement il est évident qu’elle a merveilleusement su trouver sa place auprès de vous – tu es un sacré veinard que sa belle-sœur te l’ait proposée comme baby-sitter ! – mais je suis persuadée que tu es aussi amoureux d’elle qu’elle de toi. Et il faut avouer qu’en plus de ses autres qualités c’est une bien belle fille, ce qui ne gâte rien ! Alors … Qu’attendez-vous ?
« Tu es aussi amoureux d’elle qu’elle de toi » Parbleu, il avait refusé jusqu’à présent de se le demander, mais il le savait bien, au fond de lui, qu’il en était peu à peu tombé amoureux de Léa. Il savait en tout cas qu’elle lui était insensiblement devenue aussi indispensable qu’à ses enfants, que la voir avec eux lui inspirait des mouvements de tendresse qu’il se dépêchait de détourner sur eux, et que son corps non plus ne le laissait pas insensible. Mais elle amoureuse de lui ? Il avait dix ans de plus qu’elle … Allait-il risquer de lui faire prendre la fuite ? Pour lui seul, le risque aurait été à prendre, mais les enfants … Et puis eux qui s’étaient si bien attachés à elle en tant que baby-sitter, grande sœur plutôt que mère de substitution, seraient-ils prêts à accepter qu’elle changeât de statut ?
Il expliqua tout cela dans la réponse qu’il fit immédiatement à Fabienne. Elle répondit à son tour que, pour les enfants, il n’avait qu’à le leur demander. Il n’y avait aucune raison pour que leurs rapports avec Léa changent simplement parce qu’elle dormirait avec lui au lieu de dormir dans le salon. Quant aux sentiments de la jeune femme à son égard, il pouvait faire confiance à son intuition, elle était sûre de ne pas se tromper.
Le lundi était un jour où Léa rentrait encore chez elle le soir. Clément décida de le mettre à profit pour sonder ses enfants.
- Vous l’aimez beaucoup, Léa, n’est-ce pas ? commença-t-il.
Les deux enfants échangèrent un regard complice, comme s’ils avaient déjà tout compris.
- Ben oui on l’aime, dit Thibaud. Pas toi ?
- Oui, bien sûr et justement … Je vous en parle avant de le lui proposer parce que je ne sais pas si elle serait d’accord mais je voudrais d’abord avoir votre avis… Vous aimeriez qu’elle vienne habiter avec nous tout le temps ?
- Oui ! dirent les deux enfants à l’unisson.
- Et … Euh …
- Si elle vient habiter ici tout le temps, l’aida Thibaud, on trouve que vous pourriez dormir ensemble au lieu qu’elle dorme dans le salon. On en a déjà parlé Zoé et moi.
- Vous savez que vous avez oublié d’être bêtes vous deux !
Clément embrassait ses enfants comme du bon pain et tous trois riaient ensemble.
- Mais vous croyez qu’elle sera d’accord ? s’inquiéta-t-il encore.
- Nous, on croit, assura Zoé gravement. T’as qu’à lui demander !
***
Il le lui demanda le lendemain soir, quand les trois enfants furent couchés, puisque c’était mardi. C’est encore en s’abritant derrière eux qu’il commença, enchaînant après les bisous distribués dans les lits :
- Ils sont vraiment heureux d’être ensemble ! Vous savez, David, c’est leur petit frère maintenant.
- Oui, dit simplement Léa qui, dans la voix de Clément avait perçu une émotion inhabituelle.
- Thibaud et Zoé vous adorent, ils ne pourraient plus se passer de vous et … Moi non plus je … S’il vous plaît, pour eux, oubliez tout de suite ce que je vais vous dire si vous pensez que je n’aurais pas dû, je …
Elle le regardait tandis qu’il cherchait ses mots. Il n’y avait plus aucun doute possible sur ce que disaient leurs regards. Il tendit les bras et elle vint s’y loger.
***
Vers le milieu du mois de juin, anticipant de quelques jour l’anniversaire que Bruce allait fêter chez son père le dimanche suivant, Fabienne invita un mercredi Régis et ses frères en même temps que Thibaud, Zoé et David.
La vieille voiture de Léa ayant refusé ses services, Clément vint les rejoindre en fin d’après-midi pour assurer le retour. Quand il sonna au portail, c’est Léa qui vint lui ouvrir. Ils s’embrassèrent comme des jeunes mariés avant de rejoindre Fabienne dans la maison.
Dans le jardin de derrière, huit enfants nus s’ébattaient en liberté sous un soleil encore haut dans le ciel.
Et Clément pensa que Mélanie aurait aimé cette image.
FIN
2 commentaires:
Bravo ! Quelle belle histoire ! Merci Guy, ce fut un régal à lire....
Si tout le monde était si agréable, si conciliant, si gentil et si intelligent que les personnages de cette histoire, la Terre serait un Paradis !
Ce joli récit, bien qu'utopiste, est une bonne leçon pour tous les "coincés" du maillot ! Mais combien seraient assez réceptifs pour le lire jusqu'au bout ? Les idées reçues sont tenaces....
Amitiés,
Pierre d'Antibes.
Merci Pierre.
Je suis un indécrottable optimiste. Mes personnages ont des défauts qui n'ont pas dû t'échapper, mais ils ont aussi de la bonne volonté, comme, je crois, la plupart des gens dans la réalité. Le mal est que trop nombreux dans le monde sont ceux qui croient détenir la Vérité et devoir l'imposer aux autres.
Moi je prends plaisir à essayer de convaincre de ce qui me paraît juste, mais je ne souhaite rien imposer à personne...même pas de me lire !
Si tu connais des "coincés du maillot", tu peux quand même le leur proposer ! Ce n'est pas à moi de juger si mes personnages sont assez attachants pour donner envie d'aller jusqu'au bout.
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