La vie continue
Ariane, toujours en maillot, est penchée sur Lisa, debout dans la baignoire, qu'elle est en train de savonner. On entend la voix du père qui appelle.
- Hello ! Où êtes-vous mes chéries ?
- Je donne son bain à Lisa mon chéri ! Sers-toi à boire, on ne va pas être longues !
- Tu le lui donnes maintenant ?
- Nous nous sommes baignées, toutes les deux, et en sortant de la piscine elle s'est salie dans le jardin, alors j'ai préféré, pour cette fois. Comme ça tu las verras toute propre ! Mais nous allons nous rhabiller !
***
Au même moment, à la Sablière, Clément et ses enfants achèvent de se doucher en même temps que quelques autres personnes d'âges divers dans les sanitaires collectifs de leur secteur. Ils reprennent leurs serviettes, qu'ils avaient posées sur un banc, se sèchent et repartent vers leur mobil home, les portant sur l'épaule.
***
En quittant la voiture, dans le garage de leur villa, Fabienne dit :
- Il faut se laver tout de suite parce que l'eau du lac n'est peut-être pas très propre. Bruce, tu vas prendre ta douche le premier. Et à cette heure-ci, tu ferais aussi bien d'en profiter pour te mettre en pyjama. Anaïs ensuite et moi en dernier.
Puis elle ajoute :
- À moins qu'elle ait envie qu'on prenne notre bain ensemble, toutes les deux.
- Ouiiiiii ! s'écrie la petite.
- Alors d'accord. Pour l'instant, va jouer pendant que ton frère fait sa toilette.
De son côté elle sort les maillots du sac, les rince dans l'évier et va les étendre sur le séchoir, dans le jardin que l'ombre de la maison prive désormais de soleil.
***
- Bon, je vais te laisser maintenant dit Léa. David, viens dire au revoir mon chéri. Le petit garçon revient vers elle, visage et mains maculés de terre.
- Mon Dieu ! Dans quel état il s'est mis !
- Tu as quelque chose qui presse ? demande Nathalie.
- Non, mais toi…
- Ça va, je suis à jour ! Reste donc dîner avec nous, comme ça tu verras ton frère ! Et en attendant tu peux donner son bain au petit : ce ne sera pas du luxe ! Et puis si ça te dit, profites-en aussi. Tu seras plus à l'aise que chez toi !
- Ça, je ne dis pas non, si ça ne te dérange pas.
- Pas du tout voyons ! Je vais te donner des serviettes.
***
Dans sa chambre, Bruce, en pyjama, à plat ventre sur son lit, s'est plongé dans un album d'Astérix.
Dans la salle de bain, Fabienne a passé un peignoir et elle aide Anaïs à se sécher, tandis que trois poupées Barbie gisent dans un reste de mousse, au fond de la baignoire.
- Tu n'as pas pris ta chemise de nuit ? dit-elle après un regard circulaire.
- J'ai oublié !
- Pas grave. Allez file dans ta chambre la mettre. Et tâche de ne pas la mouiller quand tu reviendras récupérer tes poupées.
- D'ailleurs je vais leur sécher les cheveux, c'est plus sûr ! reprend elle en les ramassant. Comme ça tu n'auras plus qu'à les rhabiller.
- On s'est bien amusées, hein Maman ? On le refera le bain ensemble ?
- Une fois de temps en temps, si ça te fait plaisir, ma chérie. Mais pas tous les jours. Pour faire sa toilette, normalement, c'est quand même mieux d'être seule. Allez, va mettre ta chemise de nuit !
La petite hésite un instant.
- Et si Bruce me voit ?
- Ça serait grave à ton avis ?
- Ben non, mais c'est lui qui…
- Il est probablement dans sa chambre et quand bien même… Il n'en perdrait pas la vue ! Allez, va vite !
Anaïs entrouvre la porte, passe la tête dans le couloir pour s'assurer qu'il est vide et sort prestement.
***
Sur sa couchette, dans la pièce principale du mobil home, Clément se retourne, cherchant le sommeil. Des images tournent dans sa tête : Mélanie lui ouvrant la porte de l'appartement, le visage de Mélanie pendant l'amour, Mélanie s'éloignant inexorablement vers l'entrée de l'hôpital. Sur le ventre, le front sur son coude, il s'efforce de fixer son esprit sur l'image de ses enfants sortant joyeux de la rivière, mais c'est celle de Mélanie disparaissant dans le bâtiment de l'hôpital qui s'impose. Dans la chambre voisine, Robert dort, mais Monique, sur le dos, fixe le plafond. Dans l'autre chambre, les enfants dorment à plat ventre, à demi couverts par leurs draps. Ils ont rapproché leurs lits et la main droite de Thibaud repose, protectrice, sur le dos de Zoé.
Ils sont attablés tous les cinq pour le petit déjeuner.
- C'est ce matin qu'on opère Maman ? demande Thibaud, gravement.
- Oui mon chéri, répond Monique d'un ton qui se veut léger. Mais dis-moi, Clément, en attendant qu'elle revienne en bon état, il va falloir t'organiser pour gérer les enfants. Tu y as pensé ?
- Pas encore vraiment mais… Il va falloir trouver une baby-sitter parce que mes horaires de travail ne sont pas ceux de leur école, sinon… On doit pouvoir se débrouiller tous les trois. Pas vrai les schtroumpfs ?
- Ben oui ! approuve Zoé. On t'aidera, Thibaud et moi !
- Si ça t'arrange, je pourrai peut-être rester quelques jours avec vous, le temps de vous organiser. Tu sauras bien te débrouiller sans moi, mon Robert, pour quelques jours. C'est qu'il faut qu'il rentre à Mâcon, lui, pour ouvrir la boutique.
- Tu penses ! plaisante l'interpellé pour se mettre à l'unisson. Ça me fera des vacances !
- C'est sûr que ça m'arrangerait bien, conclut Clément. Tu pourrais dormir dans la chambre de Mélanie, et moi je prendrais le clic-clac du salon…
- Bon, alors les enfants, d'accord : je vous la prête. Mais faudra pas me l'abîmer hein ? Vous me la rendez en bon état !
- Promis Papy, répondent-ils en riant.
En fin d'après-midi, Clément s'isole pour appeler l'hôpital. Puis, tandis que les enfants jouent au volant dans le chemin avec ceux du mobil home voisin, il rend compte à ses parents.
- Ils disent que l'intervention s'est passée normalement mais… Pour l'instant elle est dans le coma et… le pronostic est réservé.
- Comment on va dire ça aux enfants ? s'inquiète Robert.
- Le coma… Il faut leur dire qu'elle dort, suggère Monique.
***
Une journée ordinaire de fin août s'est écoulée. Des orages sont éclaté sur la région lyonnaise, mais la Sablière a encore bénéficié de belles éclaircies.
Clément revient vers le mobil home, son téléphone à la main.
Ses parents et ses enfants se sont tournés vers lui, le regard interrogateur.
- Rien de nouveau, dit Clément.
- Mais c'est quand qu'elle va se réveiller ? s'impatiente Zoé.
- On ne sait pas, ma chérie ! Tu sais, après une grosse opération à la tête, ça peut durer longtemps ! Il faut prendre patience en te disant que tant qu'elle dort elle n'a pas mal.
- Ça fait déjà deux jours ! grogne Thibaud.
***
Il fait nuit. Dans la cuisine de chez Fabienne, le lave-vaisselle en marche indique que le repas du soir est fini. Dans le salon, Bruce, en pyjama, lit une BD allongé sur le canapé. Anaïs, en chemise de nuit, danse devant l'écran de télévision avec la Compagnie Créole. Par la porte entrouverte du bureau on aperçoit Fabienne, en paréo, assise devant son ordinateur.
Anaïs, visiblement très excitée, monte le son. Bruce intervient à mi-voix :
- Baisse ! Maman travaille !
Anaïs obéit, mais aussitôt après, tout en continuant à danser elle se retourne vers son frère et lui tire la langue en soulevant jusqu'aux aisselles sa chemise de nuit.
- Maman ! appelle Bruce, scandalisé. Anaïs me montre sa zézette !
- Anaïs ! gronde Fabienne sans se retourner. Je t'ai dit que ce n'est pas grave si par hasard ton frère te voit toute nue, mais lui montrer ta zézette exprès, ce n'est pas pareil. Ça, ça ne se fait pas !
- Sale cafard ! souffle la petite à l'oreille de son frère. T'appelles Maman au secours juste parce que toi t'as honte de montrer ton zizi !
- C'est pas pour ça ! proteste le garçon. C'est parce que ça se fait pas. Elle te l'a dit.
Anaïs hausse les épaules et répète en l'imitant :
- Ça se fait pas ! T'es qu'une poule mouillée !
Sous l'outrage, Bruce bondit sur ses pieds. Un instant il la foudroie du regard en respirant fort, puis il se décide :
- Ah oui ? Qu'est-ce que tu crois ? Tiens !
Et le feu aux joues, il baisse son pyjama.
Cela ne dure pas plus d'une seconde et, comme la veste est plutôt longue, la petite ne voit sans doute pas grand-chose. Mais manifestement très contente d'elle, elle se sauve immédiatement dans sa chambre en riant aux éclats.
- Ça va les enfants ? On ne se dispute plus ? demande Fabienne.
- Non Maman ! se hâte de répondre Bruce.
Puis il rejoint Anaïs dans sa chambre pour lui dire, menaçant :
- Tu dis rien à Maman !
- Maman ! crie la petite pour lui faire peur.
- Écoute, ma chérie, il faudrait me laisser travailler ! Qu'est-ce qu'il y a encore ?
Bruce regarde sa sœur avec inquiétude.
- Je peux aller me baigner dans la piscine ? J'ai chaud ! continue-t-elle en le regardant à son tour avec un sourire taquin.
Il respire, soulagé.
- D'accord ma puce, mais demande à ton frère d'y aller avec toi. Moi je n'ai pas le temps et tu sais que je ne veux pas que tu te baignes toute seule.
- Tu viens Bruce ?
Le ton est enjôleur.
- D'accord ! Maman, j'y vais avec elle !
Sitôt dehors, alors que le garçon se dirige vers le séchoir où sont étendus, avec les serviettes, son maillot et la petite culotte de bikini d'Anaïs, la coquine le retient par le bras en lui soufflant :
- Si tu veux que je dise rien à Maman on les met pas et on se baigne tout nus.
- Non !
- Alors je lui dis !
Bruce hésite une seconde. Il regarde la piscine plongée dans l'obscurité.
- Tu me jures que tu diras rien ?
- Je te jure !
- Et tu me regardes pas !
- Poule mouillée ! Moi tu peux me regarder, je m'en fiche, rétorque Anaïs en se débarrassant sans plus tarder de sa chemise de nuit ! Et ton robinet aussi, je m'en fiche, qu'est-ce que tu crois ! À l'école, j'en ai déjà vu des garçons qui faisaient pipi ! Mais t'avais qu'à pas cafarder à Maman. Si tu te baignes pas tout nu…
- Ça va, sorcière ! Allez, vas-y, je te rejoins !
Et Bruce se dirige vers le séchoir pour y prendre une serviette, dont il se ceint pour ôter son pyjama et qu'il n'abandonne que juste avant d'entrer à son tour dans l'eau, pendant qu'Anaïs lui tourne le dos.
***
À nouveau, à la Sablière, c'est le moment du petit déjeuner quand le téléphone de Clément sonne. Il écoute un instant et, tandis que son visage se décompose, il dit simplement :
- Merci.
Puis il pose l'appareil.
- C'est fini.
***
La société de Pompes Funèbres à laquelle Mélanie s'était adressée a pris en main l'emploi du temps de façon très professionnelle. Les proches n'ont qu'à se laisser guider, à collaborer dans une sorte de somnambulisme douloureux. Les uns sanglotent, les autres n'ont pas de larmes. Chacun survit comme il peut.
Après la crémation, c'est Clément qui reçoit l'urne pour aller l'immerger selon la volonté de Mélanie. Les enfants la regardent s'enfoncer dans le courant du fleuve. Enfin, accompagnés de leur grand-mère, ils se retrouvent avec leur père dans l'appartement de la Montée de Choulans. Les adultes se sont assis. Les enfants, debout, les regardent comme s'ils attendaient quelque chose. Personne ne parle. Enfin, Thibaud entraîne sa sœur vers leur chambre en passant son bras autour de ses épaules.
- Maman voulait qu'on fasse comme d'habitude, dit-il en commençant à se déshabiller.
Le menton tremblant, Zoé en fait autant sans rien dire.
***
Nathalie est assise derrière un bureau chargé de dossiers, devant un tableau mural de liège où sont épinglés des papiers. Clément est assis en face d'elle.
- J'ai pensé qu'il valait mieux que vous soyez au courant pour que… Qu'on évite de trop questionner les enfants, quoi ! Ils sont courageux, moi ils m'étonnent, mais quand même… Il me semble qu'il faudrait les ménager… sans en avoir l'air : ils n'aimeraient pas non plus.
- Soyez tranquille Monsieur Girard : je ferai la leçon à mes collègues. C'est vrai qu'on ne sait jamais trop comment s'y prendre dans ces situations. Les enfants ne réagissent pas tous de la même façon. Mais je connais assez bien les vôtres : bien élevés, équilibrés, on aimerait bien qu'ils soient tous comme ça ! Et… Pardonnez-moi mais… donc c'est vous qui revenez vivre avec eux ?
- Je l'ai promis à leur mère : elle souhaitait que leur vie soit aussi peu bouleversée que possible et… on était séparés mais… Enfin ça, c'est pas un problème. Il va juste falloir que je trouve une baby-sitter pour les sorties d'école et les mercredis parce que moi, je ne travaille pas à la maison. Vous n'en connaîtriez pas par hasard ?
- Une baby-sitter ? Eh bien justement… Ça vous poserait un problème si elle a son petit garçon de trois ans avec elle ?
- Ma foi, si elle est capable de gérer les trois ensemble… Remarquez pour les miens, ils ont juste besoin d'une présence adulte, question de sécurité, sinon ils sont autonomes…
***
Clément rentre dans l'appartement où ses enfants, nus comme à l'ordinaire, laissent leurs jeux pour venir l'embrasser.
- Mes chéris, dit-il, je suis allé voir votre directrice, pour prendre contact tant que je n'ai pas repris le travail, et le problème de la baby-sitter est peut-être résolu. C'est sa belle-sœur, qui pourrait faire l'affaire. Enfin si elle est d'accord, mais la dirlo dit que justement elle cherchait. Elle a un petit garçon de trois ans, ça vous fait rien si elle l'amène quand elle viendra vous garder ?
- Ben non ! affirme Zoé mais…
- Tu lui as dit à la directrice qu'on est naturistes ? Parce que Maman lui avait pas dit, elle voulait pas qu'on en parle à l'école.
- Non mes chéris, j'en ai pas parlé !
- Alors avec elle il faudra qu'on reste habillés ? demande Zoé, l'air ennuyé.
- Écoute ma puce : il n'y a rien de fait, il faut d'abord qu'on se rencontre, mais il ne faut pas trop en demander non plus ! Elle s'appelle Léa. Il paraît qu'elle est très douce, comme caractère, et elle sait ce que c'est que des enfants puisqu'elle en a un. Un qu'elle pourra récupérer en même temps que vous puisqu'il ira à la Maternelle d'à côté. Alors en attendant que je rentre le soir, vous pourrez bien rester habillés une heure ou deux de plus !
- Et le mercredi, grogne Thibaud.
- Ben oui, le mercredi aussi, qu'est-ce que tu veux ! Vous savez bien, notre manière de vivre, c'est pas tout le monde qui comprend. Si on lui en parle, j'ai peur qu'elle prenne ses jambes à son cou et qu'elle aille le raconter à sa belle-sœur !
- Votre père a raison mes chéris, intervient Monique. Votre Maman voulait que vous viviez comme d'habitude mais… à l'impossible… C'est juste pour le retour de l'école et le mercredi ! Les week-ends, et tous les soirs jusqu'au lendemain matin vous vous rattraperez !
- En rentrant de l'école, vous n'aurez qu'à vous mettre en jogging, comme quand on a des visites ! ajoute Clément. C'est quand même pas pareil qu'habillés pour l'école !
- Comme toi ! remarque Zoé. Dis, Papa, pourquoi toi tu restes en jogging à la maison ? À la Sablière tu en mets pas !
- Et avant non plus, quand tu habitais ici : je me rappelle, renchérit Thibaud.
- C'est pour tenir compagnie à Mamie ! Vous savez bien que Papy et elle, eux aussi à La Sablière ils sont tout nus mais qu'à la maison, ils sont d'accord pour vous, parce que vous êtes encore petits et que c'est ce que votre maman voulait, mais sinon ils aiment pas trop.
- C'est vrai, se souvient Thibaud. Même Maman, elle s'habillait quand ils venaient.
- Ben alors et quand on sera grand ? s'inquiète Zoé.
- On a le temps d'y penser ma puce conclut Monique.
***
Léa arrête sa vieille 205 au pied de l'immeuble. Elle en extrait le petit garçon qui était attaché dans son siège, à l'arrière, et elle sonne.
- Oui ? répond une voix dans le parlophone.
- Je suis Léa Sibony, nous avons rendez-vous.
- Je vous ouvre ! C'est au troisième étage en face de l'ascenseur.
Clément appuie sur le bouton de l'ouvre porte puis se retourne vers les enfants qui se sont approchés.
- Filez vous mettre un jogging vous deux. Vous n'allez pas la recevoir tout nus !
- C'est vrai, on avait oublié, dit Thibaud.
Et les deux enfants courent dans leur chambre en pouffant de rire. Les joggings sont des plus simples : en fait un sweater blanc et un pantalon à ceinture élastique assorti. Il ne faut que quelques secondes pour les enfiler. Le temps que la jeune femme arrive ils sont déjà de retour, pieds nus mais vêtus, pour l'accueillir.
- Bonjour Léa, disent-ils en chœur.
Et comme David se cache dans les jambes de sa mère, Zoé se met à genoux :
- Bonjour ! Moi c'est Zoé et toi, comment tu t'appelles ?
- Je m'appelle David Sibony et j'ai trois ans, récite le petit.
- Tu veux bien me faire un bisou David ?
On ne résiste pas à Zoé. David sort son pouce de sa bouche pour faire un bisou mouillé que Zoé lui rend sur les deux joues. Et tandis qu'elle essuie discrètement la sienne, Thibaud s'approche à son tour :
- Moi, c'est Thibaud. Bonjour David.
Et il se penche rapidement pour lui faire une bise sur le front.
- Entrez euh… Vous permettez que je vous appelle Léa ? Vous pouvez m'appeler Clément. Et voici ma mère.
- Monique, se présente-t-elle. Mais moi vous ne me verrez pas longtemps car si vous vous mettez d'accord avec mon fils, moi je vais rejoindre mon mari dès ce week-end. Alors je vous laisse discuter tous les deux. Je vous sers un jus de fruit ?
- Volontiers, merci, répond Léa.
- Tu viens jouer avec nous David, propose Zoé en le prenant par la main ?
- Va mon chéri, dit Léa.
***
- Eh bien, je crois que nous sommes d'accord, conclut Clément en souriant. Maman, il faudrait peut-être que tu t'entendes avec Léa pour… la transition !
- Oui eh bien, dit Monique revenant dans le salon, comme je vous disais, moi, ce qui m'arrangerait c'est de rejoindre mon mari ce week-end. Alors si d'ici là vous pouviez déjà venir un jour ou deux nous pourrions rester un peu en… double commande ! Remarquez, ici ce n'est pas chez moi mais je connais quand même l'appartement et pour ce qui est des enfants…
Elle appelle :
- Les enfants ! On a besoin de vous !
- Je reviendrai demain si ça vous convient, dit Léa.
Et comme les trois enfants arrivent elle continue :
- Tu les aimes bien, Zoé et Thibaud, mon chéri ? Ça te fait plaisir de revenir chez eux demain ?
- Oui, dit le petit. J'aime bien. Ils sont gentils. Et on peut courir aussi.
- C'est vrai que chez nous… c'est un peu petit ! Mais vous savez il est sage dans l'ensemble !
- Il est trop mignon ! affirme Zoé. Je lui ai juste fait enlever ses chaussures pour courir, à cause des voisins. Viens, David, on va les remettre.
***
- Vous la trouvez sympa, Léa ? demande Clément, dès qu'elle est sortie.
- Super sympa, dit Thibaud. Qu'est-ce qu'elle a l'air jeune !
- Et David, il est trop mignon ! ajoute Zoé.
- Bon ! Vous êtes rassurés ?
- Ben… à part pour ça… répond Thibaud en tirant sur son jogging. Tu viens, Zoé ? On va faire notre douche ?
Les enfants disparaissent en commençant à se déshabiller.
- Ça leur tient à cœur ! dit Clément, mi souriant mi soucieux.
- Je ne crois pas que ce soit vraiment un problème, le rassure Monique. Ils s'y accrochent un peu en souvenir de leur mère, et quand je les vois aussi… bien dans leur peau malgré ce drame, je me dis qu'elle n'a pas eu tort. Mais quand même, quand elle les a envoyés en colo elle a bien dû accepter qu'ils vivent comme les autres, garçon d'un côté fille de l'autre, avec pyjama, maillot de bain, viande à table… Et ils n'ont pas l'air d'avoir été malheureux ! D'ailleurs tu as vu ? Ils ont un coffre plein de déguisements. Ce matin ils ont plus souvent été habillés que nus !
- Pour s'amuser, oui, bien sûr, en se changeant toutes les dix minutes. Non, tu as raison. Pour l'instant en général ils préfèrent être nus, c'est clair, mais il n'y a pas de problème.
***
Dans l'appartement, Léa et les trois enfants rentrent de l'école.
- Vous voulez que je vous prépare votre goûter ? propose Léa.
- T'es pas obligée, tu sais, on peut se débrouiller tout seuls, on a l'habitude, répond Thibaud.
- Ben alors je sers à quoi, moi ? Ça me ferait plaisir de faire ça pour vous en même temps que pour David !
- Ben si c'est ça, fais-le Léa. Tu es gentille ! dit Zoé. Nous pendant ce temps on va se mettre en jogging.
Tandis que les enfants disparaissent dans leur chambre Léa continue :
- Vous êtes donc toujours en jogging chez vous ?
Dans leur chambre, les enfants se regardent en pouffant.
- Ben oui répond tout de même Thibaud. On est plus à l'aise !
- T'en as pas un pour David ? demande Zoé. Lui aussi il serait plus à l'aise, tu crois pas ?
- Peut-être bien. Il faudra que j'y pense. Je vais toujours lui enlever ses chaussures, quand j'aurai fini de faire les tartines.
- Je vais l'aider, Léa ! Viens David ! propose Zoé.
- Habille-toi d'abord, lui souffle Thibaud qui achève d'enfiler son jogging.
Car pour l'instant Zoé est toute nue.
- Oups ! fait-elle en riant et en se hâtant d'enfiler le haut.
Mais tandis qu'elle enfile le bas David est déjà là, et s'approche d'elle sans y prêter attention.
***
Un peu plus tard : Clément est rentré, et Léa s'apprête à sortir avec David. Thibaud et Zoé viennent les embrasser. Clément les regarde en souriant puis tend la main à Léa.
- À demain, Léa ! Je vois que ça a l'air d'aller les enfants et vous ! Pourvu que ça dure !
- Il n'y a pas de raison ! répond Léa en serrant la main tendue. Ils sont tellement gentils !
- Et vous n'avez pas l'air bien méchante non plus ! Tout est donc pour le mieux !
Dès qu'elle est sortie, il continue pour les enfants qui ont déjà disparu vers leur chambre.
- Alors cette rentrée ?
- J'ai une nouvelle maîtresse, annonce Thibaud.
- Moi c'est la même que l'année dernière. Elle a changé de classe. Et tu sais pas ? La fille de la maîtresse de Thibaud est dans ma classe ! Et tu devineras jamais quoi.
Zoé est revenue près de son père, débarrassée de son jogging.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Tu m'en as pas parlé ! s'étonne Thibaud qui la suit dans la même tenue.
- Ben quand on s'est regardées, on a eu tout de suite l'impression qu'on s'était déjà vues quelque part et en cherchant on a retrouvé où.
- Et c'était où ? demande Thibaud.
- À la Sablière ! Nous c'était la première semaine et elle c'était la dernière. On plongeait ensemble, du rocher de… je sais plus combien. Tu te rappelles ? La fille qui était super bien bronzée partout, que moi ça me faisait envie parce que nous on avait encore les marques des habits de la colo. Elle se souvient aussi de toi. Et elle y était avec ses parents mais elle m'a dit de surtout pas en parler aux autres parce que sa mère a pas envie que tout le monde le sache. Mais peut-être elle va te reconnaître, elle aussi, sa mère !
Thibaud rit.
- En tout cas, maintenant je sais pourquoi elle était super bien bronzée ! T'as vu sa mère ?
- Ben oui et alors ? Ah oui ! Je suis bête ! Elle est noire sa mère ! Ben alors, Clara, elle va rester bien bronzée toute l'année !
- Elle est super sympa, sa mère. Mais je crois pas qu'elle m'a reconnu.
- Si elle te reconnaît elle va sûrement pas en parler ! remarque Clément. Normal. Surtout pour une prof d'école : il y a tant de gens qui ne comprennent pas !
- Ben oui, reprend Zoé. C'est toujours un secret. Mais rien qu'entre nous, puisqu'ils vont à La sablière, tu crois qu'on pourrait l'inviter ici ? Clara, pas sa mère ! Un mercredi ?
- Plutôt un samedi, répond Clément. Un mercredi, je ne veux pas imposer une enfant de plus à Léa, d'autant qu'avec elle aussi c'est bouche cousue. On en reparlera si tu veux. Et si elle en a envie !
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