jeudi 4 novembre 2010

l'héritage 12

Printemps

Dans le salon, Ariane regarde la télévision en compagnie de Charles tout en donnant le sein à Coralie. On entend les rires d'Anaïs et Lisa, venant de la salle de bain. Charles sourit.

- C'est beau de les entendre rire comme ça !

- Oui… dit Ariane. Mais tout de même, maintenant Lisa se débrouille très bien toute seule pour sa toilette. Je me demande si…

Elle ne finit pas sa phrase, mais Charles répond tout de même :

- Ça leur fait tellement plaisir ! Écoute les ! Tu voudrais les priver de ça ?

- Non, mais tout de même…

- Mais au fait ! Ta sœur et toi, vous ne le preniez pas ensemble, votre bain, à leur âge ?

- Chez nous, non. On partageait notre chambre, mais le bain, non. Sauf une fois, chez notre grand-mère, où Maman nous avait laissées quelques jours pendant quelle accouchait de notre petit frère. Mamie nous l'a fait prendre ensemble. Nous avions cinq et six ans.

- Et vous n'avez pas aimé ?

- Oh si ! Mais quand il l'a su Papy s'est fâché et on ne l'a jamais refait ! Je me souviens qu'il disait qu'on risquait de prendre des mauvaises manières. À l'époque je n'ai pas compris ce que ça voulait dire mais l'expression m'a frappée.

- Et c'est pour ça que tu voudrais l'interdire aux petites ? Franchement ! Tu crois qu'il avait raison, ton grand-père ?

- À ce moment-là, non ! Se voir toutes nues, on se voyait plus ou moins quand on se changeait dans notre chambre, mais on faisait vite et on s'intéressait pas plus à nos zézettes qu'au reste. Mais tout de même, en grandissant…

- Anaïs vient tout juste d'avoir sept ans ! Laisse les grandir ! D'ailleurs, si on en croit les naturistes, le résultat de l'habitude de se voir nus, en particulier pour les enfants, c'est, comme tu disais toi-même à l'instant, qu'ils ne s'intéressent pas plus à leurs sexes qu'au reste.

- Parce que tu crois ce que disent les naturistes maintenant ?

- Écoute ! Je n'ai aucune envie de me mettre à me balader à poil, mais à bien y réfléchir je me demande si sur le principe ils n'ont pas un peu raison.

- Tu parles sérieusement ?

- Écoute ma chérie ! Tu penses que ton grand-père n'avait pas raison, mais tu réagis spontanément à sa manière. Et je te comprends, nous avons été conditionnés comme ça. Mais essayer d'être cohérents, c'est pas défendu.

- Bon ! On parle d'autre chose ? D'accord pour les petites, jusqu'à nouvel ordre mais maintenant on parle d'autre chose. D'accord ? Tiens, prends ta fille pour lui faire faire son rot pendant que je me rajuste.

En peignoirs de bain, les petites rentrent dans la chambre où leur frère les attend encore habillé.

- Tu peux y aller ! dit Anaïs.

Bruce sort et les filles ôtent leurs peignoirs pour faire leur désormais traditionnelle cabriole sur le tapis avant de mettre leurs chemises de nuit. Mais à ce moment Bruce revient chercher son pyjama.

- Oh pardon ! dit-il, le dos tourné, en l'exhibant au-dessus de sa tête tandis qu'il sort prestement. Je l'avais oublié ! Vous dérangez pas pour moi, j'ai rien vu !

Les petites se regardent, surprises. Puis Anaïs rit.

- S'il dit ça, commente-t-elle, c'est qu'il a tout vu. C'est Maman qui m'a expliqué ça. Mais il s'est pas fâché !

- Ben non ! Il s'est excusé et il a dit qu'on se dérange pas !

- Ben dis donc ! Il a changé !... C'est super ! Maintenant faut quand même mettre nos chemises pour aller dire bonsoir !

***

Devant leur école, Bruce et Anaïs montent dans la voiture de leur mère, lui devant, elle derrière.

- Ça va les enfants ? Bonne journée ?

- Comme d'hab, dit Bruce.

- Normale, dit Anaïs.

- Dis Maman, reprend Bruce, pour les vacances de Pâques, on pourrait passer plutôt la première semaine chez Papa ?

- Pas de problème pour moi, faudra lui demander, pourquoi ?

- Parce que Régis, ya ses cousins qui viennent la première semaine, alors ça va être plein chez lui, tandis que la deuxième on pourrait s'arranger, trois jours chez lui, trois jours chez nous !

- Ah vous avez déjà combiné ça ! Et ses parents sont au courant ?

- Ben, pas encore, mais ça devrait le faire !

- Et moi, alors, j'existe pas ! proteste Anaïs.

- Toi, t'as qu'à t'arranger avec les Girard !

- À condition que ça leur convienne ! tempère Fabienne. Ma foi ! On étudiera la question !

***

- Attends, dit Clément en reposant sa tasse de café, à la Part-Dieu. Qu'est-ce qu'on a prévu déjà ? Alors… Les miens sont à la maison avec Léa. Mes parents viendront nous voir pour le week-end de Pâques, parce que les enfants dans leur appart quand eux sont bloqués par le magasin, ça devient difficile, maintenant que ma mère n'ose plus trop laisser mon père seul. Les Beaujeu, la famille de Clara, seront dix jours à La Martinique, dans la famille de Marilou, donc la voie est libre. Si Anaïs se sent un peu seule, on doit pouvoir arranger quelque chose. Tout le monde l'aime bien à la maison et d'après Léa, elle y est comme un poisson dans l'eau.

- Je sais, elle me l'a dit. Elle est gentille ta Léa. Tu as eu une sacrée veine de tomber sur elle comme ça, du premier coup !

- Oui. Les enfants se sont beaucoup attachés à elle et je crois que c'est réciproque. Avec le petit aussi. C'est comme un petit frère pour eux.

- Et… Tu n'as pas peur qu'elle vous quitte ? Elle pourrait rencontrer un mec et vouloir faire sa vie avec lui ! Enfin, sa vie… ou un bout de chemin !

Clément réfléchit.

- Égoïstement, je dirai que j'espère que non. Et cyniquement, je compte sur son attachement pour les enfants et… sur le peu de temps libre que ça lui laisse !...

Il reprend après un petit rire :

- Parce que c'est sûr que si elle nous quittait… J'aime mieux pas y penser !

- Et toi dans tout ça ?

- Quoi moi ?

- Dès que je dis « Léa » tu dis « les enfants ». Et toi ? Tu n'es pas un peu concerné aussi ? Toi non plus tu n'as guère de temps libre. Je suis placée pour le savoir !

Elle arrête en riant un mouvement qu'il ébauchait.

- T'en fais pas, c'est pas un reproche ! Au fait, je t'ai dit que je me suis payé un petit coup de revenez-y avec Charles ? Juste en passant ! Je tiens trop à ma liberté… même si pour l'instant je n'en fais pas grand-chose… Mais cyniquement, comme tu dis, elle n'a pas beaucoup de temps libre, toi non plus, vous en passez quand même un peu ensemble, vous êtes tous les deux plutôt séduisants et en âge d'avoir une libido en état de marche, ma foi…

- Comme tu y vas !... Écoute… Je ne voudrais pas jouer les Tartufes mais… Ce sont des idées que je m'interdis ! Ça va trop bien ! je ne vais pas prendre le risque de tout gâcher en y mêlant des histoires de cul !

- Pas de cœur ?

- De cœur ?... Avec elle ce serait plutôt ça, en effet. Elle est si… attendrissante ! Mais le risque serait le même !

- Mon pauvre Clément ! C'est toi qui es attendrissant ! Ne le prends pas mal : je te dis ça… fraternellement. Et si elle n'attendait que ça ?

- Et si elle n'attendait surtout pas ça ?

- Je peux me tromper mais… Enfin, ça vous regarde ! Pour la deuxième semaine de vacances on se rappelle ? La première je pense que je vais aller voir ma sœur. Elle est un peu seule ces temps-ci. On sortira entre filles !

- On se rappelle.

***

Clément, Léa et les enfants sont attablés pour le repas du soir.

- Papa ! dit Thibaud, s'il fait beau la semaine prochaine, Léa pourrait pas nous emmener au lac ?

- Pour vous baigner ? s'étonne Clément. Il n'est pas un peu tôt ?

- On est en avril, dit Thibaud. L'année dernière on s'est baignés en avril avec Maman.

- À la plage publique, alors !

- Avec Maman on était allés à la plage libre une fois, dit Zoé.

- Oui, dit Thibaud, mais on n'était pas resté longtemps parce qu'il y avait des gens qui venaient nous regarder comme des bêtes curieuses !

- Et après on était allés au club, dit Zoé.

- Bon : la plage libre, Thibaud vient de dire pourquoi je ne vais pas vous y envoyer avec Léa et quant au club… Léa n'est pas naturiste que je sache ! Il ne reste donc qu'une plage publique.

- Avec le maillot ! Pfff ! J'aime pas ! grogne Zoé.

- À la colo, en juillet, vous étiez pourtant bien obligés ! plaide Clément.

- Oui, mais j'aime pas ! insiste Zoé.

- Si Léa nous emmenait au club, peut-être que juste pour une fois elle serait pas obligée d'être toute nue ! suggère Thibaud. L'année dernière y en avait.

- Peut-être, mon grand, mais même comme ça, Léa n'en a peut-être pas envie !

- Léa ! supplie Zoé.

Léa hésite avant de répondre :

- Si je ne suis pas obligée de… Peut-être…

- Ma petite Léa vous êtes vraiment trop gentille ! reprend Clément. Je téléphonerai, je leur expliquerai la situation, ce sera l'occasion de reprendre contact. Mais ça ne vous engage à rien, ne vous croyez pas obligée. C'est vous qui déciderez le moment venu. Si le temps le permet ! Et, vous savez, les enfants pourraient très bien supporter le maillot !

- T'es un amour, Papa ! dit Zoé en lui envoyant un baiser par-dessus la table.

***

- On vous rejoint ! lance Régis à ses frères qui jouent dans le jardin. On monte les affaires de Bruce !

- Alors, cette semaine avec vos cousins ? demande Bruce, en montant l'escalier.

- C'était cool. Et toi chez ton père ?

- Bof ! Tu sais en ce moment les filles et moi on dort dans la même chambre parce qu'il y a la petite sœur dans la mienne, jusqu'à ce qu'elle fasse ses nuits. Et pour jouer avec elles… elles sont petites ! Mais enfin ça va. Elles sont pas trop chiantes.

- C'est sûr que c'est pas pareil ! Remarque, Anaïs, elle a quand même le même âge que Marco, mais… Lui, il fait tout comme Toto. Et avec les cousins en plus, là, nous, on s'est trop marrés !

- Et vous avez dormi tous les cinq dans la chambre ?

- Oui, Marco est monté dormir avec Toto, tu vois, chacun à un bout, ils sont pas grands, Jessica dans le lit de Marco et Romain dans le lit de camp. Mais pour la douche, on savait pas trop comment ils voudraient faire, parce que Romain, d'accord, c'est un garçon et il a jamais qu'un an de plus que moi, mais Jessica, quand même !

- Ils sont pas jumeaux ?

- Oui mais… les filles, des fois, ça grandit plus vite ! Et elle, tu la verrais… On lui donnerait douze ans facile ! Alors avec les frangins on s'était dit qu'on les laisserait y aller en premier et comme ça on verrait quoi faire. Mais Jessica quand elle a vu la salle de bain elle l'a trouvée géniale et elle a dit : « Vous croyez qu'on y tiendrait à cinq ? » Là Romain a dit qu'on y tiendrait mais que ce serait pas marrant parce que du coup on pourrait pas bouger. Et elle a dit : « Je sais bien, banane ! Je rigolais ! » Et moi je pensais que de toutes façons elle avait sûrement pas imaginé pour de bon qu'on irait tous les cinq à poil ensemble ! Mais après, pour y aller, le soir, elle et Romain, ni une ni deux ils ont fait comme nous d'habitude !

- Ils se sont mis à poil dans la chambre ?

- Comme nous d'habitude, je te dis ! Et à poil, c'est le cas de le dire parce que Jessica, elle en a. Et même les nichons, ça commence. Mais pas plus gênée qu'avant. On était sciés ! Alors on s'est dit qu'on pouvait pas faire des manières quand elle, elle en faisait pas… Et quand ils sont revenus, ben on a fait comme d'habitude.

- Et… Tu as pas été gêné, toi ?

- Ben… Au fond pas plus que toi avec nous !

Bruce sourit :

- C'est vrai que le premier soir… Mais ça a pas duré !

- Ben voilà ! Moi pareil ! Et tu sais quoi ? Leurs parents vont acheter une maison dans le Midi. Pas au bord de la mer, parce que ce serait trop cher, mais à trente ou quarante kilomètres. Ils doivent aller la voir cette semaine. Il paraît que la maison est petite mais qu'on peut l'agrandir parce que le terrain est vachement grand. Si ça se décide ils pensent qu'au mois de juillet ils pourront y aller et ils nous invitent. Papa aiderait son frère à ajouter une chambre à la maison, comme ça après ils y habiteraient. Les jumeaux disent que pendant ce temps, eux et nous, on pourrait camper au bord de la piscine. Parce qu'il y a une piscine, même assez grande, il paraît. Ça nous changerait de la caravane !

- Le pot ! Nous je sais pas encore…

- Mais toi, tu en as une de piscine, chez ta mère !

- Oui, mais elle est petite. Et chez mon père il y en a une aussi, assez grande pour une hors-sol. Mais c'est mes frangines qui sont petites. Je m'amuse pas tellement avec elles.

- Ce qui serait cool, ce serait que tu puisses venir avec nous ! Tu aimerais ?

- C'est sûr ! Mais c'est pas chez toi, pas sûr qu'ils veuillent, et mes parents non plus !

- Laisse un peu venir ! Même pour nous, c'est pas encore vraiment sûr, mais si ça se fait, on pourra peut-être arriver à convaincre tout le monde ! Les jumeaux, je suis sûr que tu t'entendrais bien avec eux.

***

- Dites, Fabienne ! demande Léa, tandis qu'Anaïs accompagne Zoé dans la chambre pour y poser ses affaires. Les enfants ont envie d'aller au club naturiste, dans le parc de Miribel. Ça vous pose un problème pour Anaïs ?

- À moi aucun, ma petite Léa, mais quant à elle… Avec eux ou avec moi, elle adore être nue, mais je pense qu'elle n'a encore jamais vu un homme adulte nu. Alors je ne crois pas que ça lui pose un problème, mais j'aime quand même mieux lui en parler. Mais au fait et vous ? Vous n'étiez pas naturiste il me semble !

- Non, mais comme Clément et les enfants sont membres du club, il a obtenu pour moi une autorisation provisoire de les accompagner en restant habillée.

- Et alors ?

- C'est comme ils me disaient ! La semaine dernière nous y sommes allés trois fois. La première, je suis restée habillée et je me suis juste trempé les pieds dans le plan d'eau. Je la trouvais froide mais les enfants, eux, ça ne les gênait pas. La seconde je me suis mise en maillot au soleil et trempée jusqu'aux cuisses…

- Et la troisième ?

- J'ai fini par me sentir… pas normale, avec mon maillot, au milieu de ces gens nus et… je l'ai enlevé… Mais quand même, je suis surtout restée à plat ventre pour surveiller les enfants. J'ai encore un peu de mal.

- Je suis sûre que si aujourd'hui vous vous déshabillez tout de suite vous cesserez très vite d'y penser ! Bon. J'appelle Anaïs : Anaïs !

- Oui, Maman !

- Tu te rappelles les images que je vous ai montrées de La Sablière ?

- Oui.

- On voyait pas trop parce qu'ils étaient pas en gros, mais il y avait aussi des messieurs tout nus.

- Ben oui !

- Des messieurs tout nus, en vrai, tu n'en as jamais vu. Et aujourd'hui tes amis voudraient t'emmener au parc de Miribel dans un endroit qui est un peu comme La Sablière, un endroit où tout le monde est tout nu.

- Ils m'ont dit. C'est pour ça que je me suis pas déshabillée, puisqu'on va partir.

- Tu ne veux pas y aller avec eux ?

- Ben si !

- Ah bon ! Je t'avais mal comprise. Alors ça ne va pas te gêner ?

- Ben non ! Pourquoi ?

- Tu sais, le zizi des messieurs, c'est pas comme les petits garçons, c'est beaucoup plus gros et avec des poils autour.

- Toi aussi ta zézette elle est pas comme celle des petites filles. Puis les zizis des messieurs, si je les trouve pas beaux j'ai qu'à pas les regarder !

- Tu as raison, ma chérie ! Bon, je te laisse alors. Bisou !

La petite va rejoindre ses amis.

- Le bon sens de cette enfant me ravit, reprend Fabienne. Donc, c'est entendu : demain soir, Thibaud et Zoé dorment chez nous. Excusez-moi de ne pas inviter David mais…

- Ne vous inquiétez pas, c'est normal : déjà les deux… Puis avec David, ils sont gentils, ils jouent un peu avec lui, mais il est encore petit, c'est pas pareil. Vous les voulez à quelle heure ?

- Écoutez… Puisqu'ils se baignent à Miribel, s'il fait le même temps qu'aujourd'hui ils pourraient peut-être aussi bien se baigner chez nous. Vous n'aurez qu'à décider avec eux demain ce que vous préférez, et vous me passerez un coup de fil pour me dire à quelle heure je vous attends.

***

Fabienne est venue accueillir Léa et les enfants au portail. Elle ne porte qu'un paréo mais croise les bras sur sa poitrine.

- Brrr ! Je profitais du soleil dans le jardin, mais dès qu'on passe à l'ombre… Vous restez un moment Léa ? Entrez vite qu'on retrouve le soleil. Les enfants, moi je trouve la piscine encore un peu froide, mais elle ne doit pas l'être plus que le plan d'eau de votre club et le soleil est chaud. C'est vous qui voyez.

- Je nous fais un café ? Ou un thé ? continue-t-elle tandis que les enfants se déshabillent dans l'herbe sans plus tarder.

- Un thé plutôt, si ça ne vous dérange pas, répond Léa.

- J'en ai pour deux minutes.

Fabienne disparaît dans la cuisine et Léa s'occupe de David tout en lui disant.

- Je veux bien que tu te déshabille, mon bébé, mais tu sais, on ne va pas rester longtemps et la piscine, tu ne peux pas y aller : c'est profond et tu ne sais pas encore nager.

Fabienne revient avec un paréo qu'elle étale sur l'herbe.

- On s'installe là-dessus ? Je reviens !

Léa s'assoit sur le paréo.

- Écoutez, Léa ! dit Fabienne, revenant avec un plateau garni d'une théière et de deux tasses. Nous commençons à nous connaître un peu, vous ne trouvez pas qu'entre nous le vouvoiement est un peu… amidonné ?

- Je ne sais pas, c'est à vous de décider…

- Parce que je suis l'aînée ? Tu as raison. Alors tu veux bien ?

- Si …tu veux !

- Alors, dis-moi. Hier à ce club, comment ça s'est passé ?

- Tu avais raison ! J'ai très vite oublié que j'étais nue. En fait je crois que c'est parce que … personne n'avait l'air de s'en apercevoir ! Et surtout pas les enfants !

- Bien ! Alors… ça t'ennuie pas si je m'allonge un peu au soleil pour essayer de bronzer ?

- Pas du tout !

Fabienne étale son paréo sur l'herbe pour s'y allonger à plat ventre.

- Voilà ! Ce serait dommage de ne pas profiter de ce soleil après ces mois d'hiver ! Enfin… Je trouve ! Tu n'as pas envie d'en faire autant ?

- C'est que… Je ne vais peut-être pas m'attarder…

- Tu fais ce que tu veux mais… Tu n'as pas une demi-heure ? Regarde ton gamin comme il est heureux !

- Tu me tentes mais…

- C'est peut-être le strip-tease qui te gêne ? Tiens, prends mon paréo et va à l'intérieur, moi je vais m'arranger sur l'autre avec le plateau et servir le thé. Tu mets du sucre ?

- Non, merci. Tu es gentille. Bon ! J'y vais.

Léa prend le paréo et rentre dans la maison. Fabienne déplace le plateau vers un coin du paréo sur lequel il est posé puis emplit les deux tasses de thé. Presque tout de suite, Léa revient, tenant devant elle le paréo que Fabienne lui a donné, l'étale à côté de l'autre et s'y assoit.

Puis les deux jeunes femmes boivent leur thé en silence en regardant les enfants s'amuser.

- Maman ! appelle Anaïs qui est dans l'eau avec Thibaud, tandis que Zoé joue dans l'herbe avec David. Elle est pas froide, je te jure ! Tu devrais venir !

- Je te crois, ma chérie, mais je suis plus frileuse que toi. Pour l'instant nous bavardons, Léa et moi.

- Donc, te voilà complètement intégrée à la famille Girard, reprend-elle.

Léa sourit.

- Parce que je peux être nue avec les enfants ? Oui, c'est vrai. Mais avec leur père, ça, je ne crois pas que je pourrais.

- Il devait pourtant bien y avoir des hommes au club naturiste, non ?

- Oui mais eux, ça m'est égal, je ne les connais pas !

- Tandis que Clément… Tu ne serais pas un peu amoureuse de lui par hasard ?

Léa rougit et semble chercher une réponse. Elle finit par demander :

- Pourquoi tu me demandes ça ?

Fabienne sourit.

- Par pure amitié, crois-moi ! Pour lui et pour toi ! Attends, je mets les choses au clair. Entre nous il y a eu… une jolie petite histoire… de trois jours. Mais la mort de Mélanie a effacé tout ça et… Quand j'ai envie de compagnie les samedis soirs où je n'ai pas mes enfants, je n'attends pas après lui !...

Léa la regarde, vaguement embarrassée, semble-t-il, par cette liberté de ton.

- De toutes façons il ne serait pas libre ! continue Fabienne en riant. Non, nous sommes devenus juste de vrais amis. En fait, tu sais, ce qui me rattache à lui c'est en grande partie le modèle que ses enfants ont tout de suite représenté à mes yeux pour les miens. Enfin, surtout pour Bruce, parce comme tu vois, pour Anaïs ça n'a pas traîné.

- C'est vrai qu'ils sont adorables, tellement équilibrés !

- Et tu les adores ! Mais une fille comme toi, qui aime ses enfants, que ses enfants adorent, c'est clair, avec un gamin qui est devenu leur petit frère, et belle comme tu es … moi, à la place de Clément … Parce que tu n'as pas l'air de le savoir, mais en plus tu es très belle, ma petite Léa. Ce n'est pas possible qu'il ne l'ait pas remarqué !

Elle continue avec un petit rire :

- Même s'il n'a pas encore eu l'occasion de te voir comme je te vois en ce moment !

Léa rougit davantage.

- Tu sais, pour lui, je suis juste la baby-sitter des petits. Il est super gentil avec moi, et avec David aussi, mais… Il n'a jamais eu un mot ou un geste qui puisse me faire penser…

- Moi, je sais qu'il t'apprécie énormément… pour ne pas dire plus !

- Comme baby-sitter, oui !

- Peut-être pas seulement ! En tout cas, toi, si tu n'en es pas amoureuse, tu en as au moins la couleur !

- Ne te moque pas ! C'est vrai que je suis tombée amoureuse de lui, comme ça, peu à peu, sans me méfier : un homme comme lui je n'en avais jamais connu et… Mais tant pis pour moi. Tout ce que je demande, c'est qu'on continue comme ça ! Et ce n'est pas sûr ! Les enfants m'ont dit que leurs grands parents vont venir habiter à Lyon. Ils ne vont peut-être plus avoir besoin de moi !

- Tu paries ? Excuse-moi si je plaisante, mais je ne crois pas une minute que Clément ait envie de se passer de toi ! Il faut peut-être juste qu'il s'en rendre vraiment compte ! On essaye de se tremper un peu ?

- On essaye.

Un peu plus tard, Léa et David, rhabillés, s'apprêtent à partir.

- Donc, demain, dit Fabienne, tu viens récupérer Thibaud et Zoé vers trois quatre heures, parce que moi, un peu plus tard, je récupère Bruce avec son ami Régis jusqu'à samedi soir alors… Par contre dimanche, s'il fait beau vous pourriez venir profiter de la piscine, même si Anaïs ne sera pas là non plus !

- Ben oui, dit Thibaud mais dimanche on serait que deux : David et Léa sont pas là.

- C'est vrai, j'oubliais ! Dommage, vous ne trouvez pas ?

- Oui, approuve Zoé. Nous on trouve que ce serait bien qu'elle reste avec nous le week-end, mais Papa dit qu'on exagère, qu'elle a droit à sa vie privée !

- Et qu'est-ce que tu en penses, toi, Léa ?

- Ma vie privée… Quelquefois on va chez mon frère ou chez mes parents, avec David… Mais vous lui manquez.

- Et à toi, non ? demande Zoé en se frottant contre elle comme un petit chat.

- À moi aussi ma puce ! répond Léa en caressant ses cheveux.

- Hé bien alors ! Vous devriez arranger ça avec votre père, si Léa est d'accord ! Pour ce dimanche, ça va faire court, mais une autre fois…

***

La voiture de Chantal s'arrête devant le portail de Fabienne. Bruce et Régis en descendent et vont dans le coffre chercher leurs sacs.

- Entrez donc un moment ! propose Fabienne. Les enfants ont goûté ?

- Oui, dit Chantal.

- Mais toi, tu prendras bien une tasse de thé !

Sans attendre la réponse de leur mère, Thomas et Marco sont descendus de voiture et ont rejoint Anaïs qui, vêtue d'un jogging, les précède dans le jardin, tandis qu'après avoir embrassé Fabienne les deux grands sont allés ranger leurs affaires dans la chambre de Bruce.

- C'est vrai que tu as une piscine ! dit Marco. Et tu te baignes ? Elle est pas trop froide ?

- Elle est pas chaude, répond Anaïs, mais ça va ! Tout à l'heure, avec Zoé et Thibaud on s'est baignés, et déjà hier.

- Dommage qu'on ait pas nos maillots ! regrette Marco.

- Ben, ici personne peut nous voir alors nous, avec Zoé et Thibaud, on n'en met pas ! Mais vous, je sais pas…

- Tu crois qu'on pourrait ? demande Marco, s'adressant à la fois à Thomas et à Anaïs.

- Il faudrait demander à Maman, dit Thomas.

- Moi, ça me dérangerait pas, et Maman non plus, dit Anaïs. Mais Bruce…

- Bruce, avec nous, il a l'habitude, assure Thomas. Je vais demander à Maman.

Il y va.

- Maman ! Anaïs dit qu'on peut se baigner dans la piscine. On peut ?

- Mais… Vous n'avez pas vos maillots !

- Ben… Elle dit que ça fait rien… Qu'avec ses copains Zoé et Thibaud ils en mettent pas !

Fabienne explique à Chantal.

- Ce sont deux petits naturistes qui viennent de passer ces deux jours ici. Anaïs est totalement convertie et comme le jardin est entièrement à l'abri des regards…

- Alors… dit Chantal. Ma foi, si ça ne vous pose pas de problème, faites comme vous voulez.

- Je ne sais pas si j'en ferais autant, continue-t-elle pour Fabienne. Mais comme je te l'ai dit, entre eux, ils ont l'habitude et…

- Je sais, dit Fabienne. Et, du coup, même Bruce commence à se décoincer !

- Avec une fille, je ne pensais pas qu'ils seraient prêts à se baigner tout nus. Mais après tout, pourquoi pas ? Où est le mal ?

- C'est bien mon avis !

À ce moment, Bruce et Régis rejoignent dans le jardin leurs frères et sœur qui sont déjà dans la piscine.

- Vous vous baignez ? s'étonne Régis. Mais… vous aviez vos maillots ?

- Non ! dit Marco. Mais ça fait rien !

Et, en guise d'explication, il grimpe sur le muret et ébauche une brève danse du ventre avant de sauter à nouveau dans l'eau.

- Vous venez ? propose Thomas.

Régis interroge Bruce du regard.

- Là, j'ai pas trop envie, dit celui-ci. La piscine est pas grande, à cinq on pourrait pas nager et en plus il fait quand même pas chaud.

- Pas cette fois ! répond Régis à son frère. Ya pas la place ! Nous, on joue au ballon !

- T'as tort ! insiste Marco. C'est trop bien, sans maillot !

- Si vous voulez, je vous la laisse, la place ! Moi je me suis déjà baignée tout à l'heure, et je commence à avoir un peu froid, dit Anaïs, en sortant de l'eau pour aller prendre une serviette sur le séchoir.

- Une autre fois ! dit Bruce en souriant, tandis que son regard voltige d'elle aux deux garçons avec la même expression affectueuse.

- Trop cool, ta frangine ! dit Régis à Bruce, en aparté.

- Tu trouves ?... T'as peut-être raison…

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