mercredi 10 avril 2013

A propos de "lenfant du péché"



Pascal Fiévet m'a transmis une critique reçue d'Henri Heinemann, écrivain picard et ex-pigiste âgé de 92 ans.
Il va de soi que la critique est libre et que chacun peut apprécier selon ses goûts notre roman. Celle-ci était globalement positive mais à une réserve près, faite après un résumé factuel de l'histoire: "Reprochons toutefois à l’auteur la place qu’il donne à la nudité. On eût pu se dispenser de la monter en épingle".
Et à cette réserve-là je voudrais répondre car elle dénote une totale incompréhension de ce qui, courant au-dessous des faits les plus spectaculaires, en constitue la trame profonde... Une réponse que vous ne pourrez évidemment pas comprendre si vous n'avez pas encore lu le roman !



La nudité, c'est le domaine réservé que, du vivant de sa mère, Jérôme partageait, sans son père, avec elle et ses amis naturistes. Chaque pas que fait Martine pour accepter d'y entrer a donc pour lui une importance sans commune mesure avec d'autres gestes amicaux. Il y fallait une progression, qui commence par la baignoire et s'accomplit à Berthemont. Sans une certaine habitude de cette intimité-là, la scène où Martine réchauffe Jérôme contre elle, étape importante dans la transformation inconsciente de ses sentiments, à elle, ne serait pas possible. Plus tard ce sont les les antécédents naturistes de Caroline qui rendent plausible sa réaction face à la nudité de Jérôme bizuté. Enfin la journée naturiste organisée par Martine à Quend avec elle et son frère à la fin du roman boucle la boucle : Martine est définitivement entrée dans le domaine réservé et elle  y a décidément pris en tant qu'amante la place qu'occupait la mère, permettant ainsi à Jérôme de sortir de l'enfance. En profondeur, le partage de de la nudité est donc LE ressort essentiel de cette histoire d'amour. 

Pouvait-on raconter la même histoire sans ce ressort ? Il aurait fallu en trouver un autre qui n'aurait peut-être pas été aussi fécond. Car ce que la nudité partagée apporte symboliquement d'emblée entre Martine et Jérôme, comme, dans son souvenir, entre lui et sa mère, c'est l'évidence, fût-elle illusoire, de pouvoir s'offrir réciproquement une confiance sans réserve :"n'avoir rien à se cacher". C'est sur cette évidence que se construit leur relation, dans laquelle eux-mêmes se construisent. Sans elle ce seraient donc des personnages différents, vivant dès lors une histoire différente, à laquelle j'aurais, personnellement, plus de mal à croire.


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